Plumes-en-Vol
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.


Version 2.0!
 
AccueilDernières imagesRechercherS'enregistrerConnexion

 

 Arouas prince-elfe

Aller en bas 
AuteurMessage
Ellana

Ellana


Messages : 83
Date d'inscription : 06/04/2009
Age : 30

Arouas prince-elfe Empty
MessageSujet: Arouas prince-elfe   Arouas prince-elfe Icon_minitimeSam 9 Mai - 18:02

Je dirais L-12 mais en fait j'en ai aucune idée. Alors le titre est pourri donc si vous avez une autre idée, n'hésitez pas! Sinon, dites-moi ce que vous en pensez.


Chapitre 1

Les sabots de Plume résonnaient sur la terre sèche au rythme de son trot régulier. Le soleil était haut dans le ciel azur et les feuilles des arbres se balançaient tranquillement sous la légère brise. Un jeune elfe aux mèches blondes chevauchait paisiblement et observait les alentours de ses yeux, couleur océan. Il n’utilisait aucun harnachement, se contentant de guider sa monture au son de sa voix et à son assiette. Plume était une petite jument baie, très jolie. Ses oreilles étaient pointées vers l’avant, signe de son attention et son regard pétillait d’intelligence. Le cavalier se nommait Arouas. D’un tempérament plutôt calme, il raffolait de ces ballades quasi-quotidiennes et solitaires en forêt.

- Ho… Ho ! Là… souffla t-il.

Plume ralentit à cette indication puis s’arrêta. Arouas mit souplement pied à terre et, la main sur l’encolure de la jument, il s’avança jusqu’à une falaise surplombant les bois. Un sourire apparut sur ses lèvres et, choisissant ses prises avec soin, il entama l’ascension avec agilité. Il parvint en haut sans se hâter et s’assit au bord du plateau, les jambes pendant dans le vide. Plume,
restée quelques mètres plus bas, lui adressa un regard bienveillant et s’élança au galop en sens inverse. L’elfe ne s’en formalisa pas ; elle reviendrait quand elle le souhaiterait ou lorsqu’il aurait besoin d’aide. Après tout, elle était libre. Arouas sortit une flûte en bois d’un étui suspendu à sa ceinture et se mit à jouer. C’était un musicien expérimenté et nul n’avait jamais entendu une mélodie comme celle qu’il improvisa. Les notes s’égrenaient, tantôt lentes, tantôt rapides, pour former une musique très agréable à l’oreille. Un écureuil s’approcha par petits bonds successifs, comme s’il voulait écouter. L’elfe s’interrompit et lança quelques bruits dans une langue étrange au rongeur. Celui-ci le fixa un instant, pencha la tête et émit plusieurs sons. Sans que personne ne puisse l’expliquer, Arouas avait reçu un don étrange à la naissance ; il pouvait communiquer avec tous les animaux, excepté les insectes. Il n’était pas vraiment capable de parler avec eux, il n’utilisait pas de mots. Il pouvait plutôt leur transmettre des émotions ou leur faire comprendre quelques choses simples. Il en découlait trois conséquences : il ne mangeait aucun être qui ait été vivant, de quelque espèce ce soit, préférant la compagnie des animaux à celle des elfes, il était plutôt solitaire
et il passait de longs moments à observer la nature.

Ayant joué de la flûte et contemplé un couple d’oiseaux fabriquer son nid pendant plus de deux heures, Arouas décida de rentrer. Il jeta un coup d’œil vers le soleil afin de se renseigner sur l’heure et soupira. Il avait manqué son cours d’apprentissage du combat. Son père, le roi Azigon, allait le tuer. Durant cette leçon journalière, le jeune elfe devait s’entraîner au maniement du sabre et au tir à l’arc. Il manifestait un talent certain pour ces disciplines mais, lui qui prônait la paix, détestait cette heure quotidienne où il devait apprendre le fonctionnement « d’armes de boucherie » comme il les appelait. Azigon tenait beaucoup à ce qu’il sache se servir d’armes, argumentant qu’un prince avait de grandes chances de devoir se battre au cours de sa vie, soit lors d’une bataille soit pour rester vivant. Son père régnait depuis une vingtaine d’années sur l’Aglidöré, un des deux pays composant ce monde, habité par des elfes. L’autre état s’appelait le Notchïnà et était peuplé par des humains. Arouas entreprit la désescalade de la falaise avec aisance. D’une voix claire, il appela Plume. Ne la voyant pas revenir, il partit en courant en direction du palais, où il habitait. Sa foulée était longue, régulière et son souffle, calme. Sa jument vint à sa rencontre alors
qu’il était à mi-chemin entre chez lui et la falaise. Il la salua d’une caresse sur le chanfrein et bondit sur son dos avec agilité. Sa course ne l’avait même pas essoufflé. Pénétrant dans les jardins du château, il croisa Nessia, sa sœur âgée de dix-huit ans et de deux ans son aînée. Comme chez tous les elfes, sa silhouette fine et élancée lui conférait grâce et souplesse. De longues mèches
noires encadraient un visage d’une perfection absolue. Un sabre, qui ne la quittait jamais, pendait à sa ceinture. Elle sourit quand elle aperçut son frère ; ils étaient vraiment très proches.

- Père est très en colère, le prévint-elle quand il arriva à sa hauteur.
- A cause du cours d’apprentissage du combat ? demanda Arouas.
- Tu aurais pu… commença t-elle.
- Oh ça va, pas la peine de me faire un sermon, Père va s’en charger, coupa Arouas sans colère.

Bien qu’ils s’entendissent à merveille, leurs caractères différaient complètement. Nessia aimait se battre, elle était même très douée pour cela. Elle possédait des qualités de meneuse et pouvait convaincre, même les plus récalcitrants, du bien-fondé de son action. Elle était droite, volontaire et obstinée. Son frère était son opposé. Elle, tenait ses qualités de son père, lui, de sa mère.
Arouas était heureux d’être le cadet ; il n’aurait pas à monter sur le trône à la mort de son père. Chez les elfes, contrairement aux humains, les femmes étaient considérées comme aussi capables que les hommes et il n’existait aucune discrimination de ce côté-là.

Le jeune elfe mit pied à terre devant les écuries et effectua le pansage de sa jument. Quand il eut fini, il la laissa gambader où elle voulait. Elle savait la porte de son box ouverte si elle souhaitait se reposer. Traînant les pieds en pensant à l’entrevue avec son père qui l’attendait, Arouas se dirigeait vers l’entrée du palais lorsqu’il entendit des éclats de voix. Surpris, il tourna la tête en
direction du bruit. Trois gardes elfes se tenaient dans l’allée, encadrant une jeune humaine assise sur le sol, la tête contre ses genoux. Un rideau de cheveux, noir de jais, masquait son visage. Un garde levait un bâton, comme prêt à la frapper. Arouas s’approcha du petit groupe et interrogea :

- Que se passe t-il ici ?

Les gardes le saluèrent avec un respect hypocrite : il n’avait pas vraiment l’allure d’un prince. Ce fut celui qui tenait le morceau de bois qui répondit :

- On a découvert une espionne humaine!

Arouas nota que le garde ne l’avait pas appelé Majesté, ce qu’il aurait fait en parlant à son père ou à sa sœur.

- Comment pouvez-vous être certains que c’en est une ?

Le garde le regarda, interloqué avant de dire d’un ton supérieur :

- Nous sommes en guerre contre le Notchïnà et l’accès de l’Aglidöré est formellement interdit aux humains.
- Je connais la loi aussi bien que vous, répliqua le prince d’une voix moins assurée qu’il ne l’aurait voulu. Mais vous n’avez aucun droit de frapper cette humaine.
- Il ne faisait que se défendre ! intervint un autre garde. L’humaine lui a donné des coups, sous prétexte qu’on l’emmenait de force au palais.

C’est alors que la jeune fille leva la tête vers Arouas. Ses yeux émeraude, emplis de haine et surtout, de souffrance, se fichèrent dans les siens. L’elfe recula d’un pas, étonné de la dureté de ce regard.

- Que doit-on faire, Majesté ? s’enquit le dernier garde, qui n’avait pas encore ouvert la bouche.

Le prince le connaissait bien, et c’était un des seuls qui lui manifestaient un semblant de considération. Requinqué par cette marque de respect, il ordonna avec autorité :

- Vous verrez cela avec mon père. En attendant, conduisez-la aux cachots.

Les gardes hochèrent la tête. S’adressant plus à la jeune fille qu’aux elfes, Arouas continua plus doucement :

- Je n’ai pas le choix, je ne peux pas prendre de risques.

Il commença à s’éloigner mais il se retourna pour la contempler. Il vit alors qu’elle était vêtue de haillons.

- Laissez-la se laver et donnez-lui des vêtements propres, ajouta t-il.

Les gardes acquiescèrent puis l’un d’entre eux attrapa l’humaine et la hissa en travers de son épaule. Elle se débattit du mieux qu’elle put en proférant des insultes et des menaces de mort à l’encontre des soldats qui la privaient de sa liberté. Arouas se força à se détourner de la scène et franchit le seuil du palais. Il monta directement au deuxième étage où se situaient ses appartements. Il se lava et se changea afin de se rendre présentable pour la confrontation qu’il allait avoir avec son père. Il descendit à l’étage inférieur, entièrement réservé au roi. Il frappa à la porte du bureau et patienta, les jambes tremblantes. Azigon était un roi réputé pour son immense bonté, mais aussi pour ses colères aussi brèves qu’impressionnantes. La porte s’ouvrit, dévoilant son père. C’était un elfe d’une quarantaine d’années. Ses cheveux relativement courts, autrefois blonds comme ceux de son fils, tiraient sur le gris. Ses yeux noisette, chaleureux en d’autres circonstances, étaient froids comme la glace en cet instant. Large d’épaules et de grande taille, assez rare chez un elfe, il impressionnait facilement. Il jaugea son fils, qui n’en menait pas large, d’un regard sévère.

- Bonjour père, commença Arouas.
- Puis-je savoir où vous étiez jeune elfe ?

Le souverain le vouvoyait toujours lorsqu’il était fâché.

- Je… j’étais parti me promener, bégaya l’adolescent d’une toute petite voix.
- Au lieu d’assister à votre cours d’apprentissage du combat ?

Azigon parlait calmement, mais ses yeux lançaient des éclairs, signe avant-coureur de sa colère. Celle-ci ne tarda d’ailleurs pas à éclater.

- Avez-vous oublié que nous sommes en guerre contre les humains ?! Que vous risquez votre vie à chaque instant parce que vous êtes le prince ?! Dois-je aussi vous rappeler pourquoi nous nous battons contre les humains ?

Arouas se ratatinait littéralement sous le flot de paroles. Ayant choisi de laisser passer l’orage, il ne répondit rien. Son père poursuivit :

- Etes-vous tellement égoïste que vous avez oublié qu’ils ont enlevé il y a dix ans Yassi, votre mère et ma femme ? Et qu’elle en est morte ?

La voix du roi se brisa sur ce dernier mot mais il reprit contenance :

- Etes-vous tellement égoïste que vous avez oublié que je me suis battu pour ne pas mourir de chagrin, pour mon peuple certes, mais surtout pour vous et votre sœur ? Et vous, vous vous permettez de ne pas apprendre à vous battre ?! Pensez-vous seulement à la peine qu’aurions votre sœur et moi-même si jamais vous mourriez ?

Arouas prit un air penaud pour satisfaire son père bien qu’il ne jugeât pas vraiment important d’avoir manqué une fois son cours.

- Que cela ne se reproduise plus jamais, vous m’entendez ?

Le fils hocha la tête et le monarque le congédia d’un geste de la main. Content de s’en tirer à si bon compte, le prince descendit au rez-de-chaussée, dans la bibliothèque, pour étudier. La pièce, très vaste, était composée de multitudes de rayons. Les ouvrages étaient classés par genre, puis par auteur. Des elfes de tout le pays et avant la guerre, même quelques savants humains venaient y consulter des manuscrits rares et anciens, uniques au monde. Plusieurs fauteuils confortables étaient dispersés dans toute la salle. Arouas se lova sur un d’entre eux après avoir déniché un livre d’histoire. Il ne parvenait pas
à se concentrer sur sa lecture, qui relatait comment Grùk, l’actuel et cruel roi humain s’était emparé du pouvoir par la force une trentaine d’années auparavant. Les pensées du jeune elfe dérivaient sans cesse vers la jeune inconnue aux yeux durs. Il essaya un autre ouvrage – cette fois à propos des dernières batailles entre les deux pays belligérants – sans plus de succès. La
soirée se déroula ainsi, sans que l’humaine ne quitte ses pensées. Il eut du mal à trouver le sommeil et quand il parvint enfin à s’y réfugier, ce fut pour voir deux yeux verts luisants foncer sur lui. Quand il se réveilla le lendemain, il n’avait plus aucun souvenir de son rêve. La journée se passa sans incident notable, mis à part que son enseignante d’escrime et de tir à l’arc le garda une heure de plus pour le punir de son absence de la veille et qu’il pensa à la soi-disant espionne à chaque instant.


Dernière édition par Ellana le Mar 12 Mai - 18:48, édité 1 fois
Revenir en haut Aller en bas
http://voyageatraverslesmots.skyrock.com
Ellana

Ellana


Messages : 83
Date d'inscription : 06/04/2009
Age : 30

Arouas prince-elfe Empty
MessageSujet: Chapitre 2 (1ère partie)   Arouas prince-elfe Icon_minitimeMar 12 Mai - 18:36

Chapitre 2

Plusieurs levers de soleil plus tard, Arouas était toujours obsédé par la fille brune même si ses traits s’étaient estompés de sa mémoire. Seul subsistait le regard de souffrance qu’elle lui avait lancé. Sachant qu’il ne pourrait bientôt plus résister à l’envie de plus en plus pressante de la revoir, il se décida à aller lui rendre visite. Il avait l’intuition que son père ne comprendrait pas, aussi
se dirigea t-il discrètement en direction des cachots.

Les gardes le regardèrent passer avec surprise, leur prince n’avait pas l’habitude d’y venir, mais ils ne dirent rien. Il y avait peu de
cellules - les elfes étaient en général respectueux des lois – et elles étaient plutôt spacieuses. La seule occupée se situait au fond sur la droite. Arouas avança dans le couloir séparant les cellules et s’assit devant celle de la jeune fille. A son arrivée, elle bondit sur ses pieds et se mit à faire les cent pas, tel un lion en cage. Elle le toisa avec méfiance. Les gardes avaient suivi les ordres du prince : elle portait des vêtements neufs et avait l’air plus propre qu’à leur dernière rencontre. Ses cheveux soyeux lui tombaient sur les reins. Son teint hâlé faisait ressortir ses yeux émeraude, exactement comme dans le souvenir de l’elfe : chargés de souffrance et de haine. Elle n’était pas belle à proprement parler mais il se dégageait d’elle une grâce envoûtante. Elle rappelait un félin au jeune prince. Beau mais sauvage. Gracieux mais dangereux. Arouas la salua et s’assit en tailleur face à
elle.

- Qu’est-ce que tu veux ?! l’agressa t-elle.
- Je voulais te voir, répondit l’elfe sans se départir de son calme.
- Pourquoi ?
- J’ai l’intuition que tu as besoin d’aide.
Elle lui jeta un regard de dégoût :
- Je n’ai besoin d’aide de personne, encore moins de celle d’un elfe.
Elle appuya le dernier mot d’un tel mépris qu’Arouas frémit.
- Tu n’es pas heureuse, tu souffres. Je peux le lire dans ton regard.
L’elfe devina qu’il avait visé juste en voyant des larmes emplirent les yeux verts.
- Tais-toi ! ordonna la jeune fille d’une voix rauque. Va t-en. Je ne veux plus te voir. Jamais.
Arouas demeura impassible, immobile. Elle se mit alors à hurler :
- T’es sourd ou quoi ?! Dégage, espèce de… !

Il s’ensuivit alors une cascade de jurons que le prince, qui avait l’habitude d’être entouré de personnes parlant un langage soutenu, ne connaissaient pas pour la plupart. Il préféra s’en aller, pour ne pas l’énerver davantage. Il passa devant les gardes, sans un mot, ignorant leur question muette, puis sortit des jardins pour se diriger la forêt. Il appela Plume, qui le rejoignit presque
aussitôt. Une fois l’elfe sur son dos, la jument s’élança au galop. Il la ralentit quelques temps après, afin de ne pas la fatiguer. Son pas doux et tranquille le berçait. Être à cheval lui procurait toujours une sensation de bien-être et lui permettait de faire le point sur ses idées, ce dont il avait tout particulièrement besoin en ce moment. Il repensa à la conversation qu’il venait d’avoir avec la jeune humaine et se sentit malheureux. Il se doutait qu’elle ne se serait pas confiée tout de suite mais il ne pensait pas qu’elle l’aurait rejeté de cette façon. Il ne voyait pas ce qu’il avait fait de mal pour qu’elle s’énerve autant. C’est sûr, elle n’avait pas l’air de beaucoup apprécier les elfes, pensa Arouas, mais ne s’était-elle pas rendue compte qu’il venait en ami ? Lui qui voulait tant lui venir en aider ! Une vague de déception le submergea soudain. C’était dans sa nature, Arouas ne supportait pas de voir les autres malheureux. Il faisait tout son possible pour les secourir. Alors que Plume passait au galop, il se pencha à gauche de
son encolure et murmura à son oreille :

- Je vais l’aider, je te le promets. Qu’elle le veuille ou non !

Le cavalier et sa monture se retrouvèrent sur la berge d’une rivière. La jument s’arrêta pour s’y abreuver un instant et Arouas en profita pour se baigner. Il plongea, admirant la beauté du monde sous-marin. Les plantes aquatiques ondulaient et lui caressaient les chevilles. De temps en temps, un minuscule poisson frétillant émergeait des algues et passait devant lui sans lui accorder l’ombre d’un regard. Ayant épuisé ses réserves d’oxygène, il remonta à la surface pour respirer. Il resta faire la planche un moment, les yeux fermés, le soleil réchauffant sa peau hâlée avant de regagner le rivage. Plume avait fini de boire et arrachait consciencieusement une touffe d’herbe. Quand il fut sec, Arouas remonta sur la jument. Il chevaucha encore une bonne heure puis se décida à rentrer pour assister à son cours d’apprentissage du combat.

Un peu plus tard, il attendait sa professeur à l’ombre d’un grand chêne, l’emplacement de tous leurs entraînements dès que le froid de la mauvaise saison quittait la région. En hiver en revanche, ils se battaient dans la salle des duels, à l’intérieur du palais. Elle ne tarda pas à le rejoindre. À quelques pas de lui, elle lui jeta un bâton. Il le saisit et se leva prestement. Ils se mirent en
position de combat et restèrent immobiles, chacun cherchait la faille dans la garde de l’autre. La professeur se nommait Colgia. Soudain, elle bondit et essaya de frapper le genou de son élève qui n’était pas assez protégé. Ce dernier para juste à temps et sauta en arrière pour se mettre hors de portée de son aînée. Celle-ci, aussi vive qu’un feu follet, ses cheveux roux tombant en
cascade sur ses épaules, attaquait, feintait, esquivait… Arouas reculait petit à petit sous la pluie de coups qu’il évitait de justesse. Il se ressaisit, et passa de la défense à l’attaque. Il toucha Colgia à l’épaule et elle riposta sur sa hanche. Ils s’affrontèrent ainsi une demi-heure, jusqu’à ce que la professeur fasse voler l’arme de son élève d’un habile mouvement de
bâton. Arouas se laissa tomber sur le sol, la tête entre les genoux pour souffler un peu. Colgia s’assit à ses côtés et s’adressa à lui :

- Tu es mal parti, mais tu t’es bien repris. Dans l’ensemble, ce n’était pas mal.

Le prince hocha la tête. Même s’il n’aimait pas se battre, il accordait une grande importance à ce que pensait son enseignante, car en plus de lui apprendre à se battre, elle était la conseillère de son père et se révélait une stratège hors-pair lors des batailles. Elle ne lui accorda qu’un court temps de repos avant de l’entraîner au lancer de poignard.

Quand ils eurent fini, Arouas rentra au palais se doucher, épuisé. La nuit commençait à tomber et les premières étoiles apparaissaient dans le ciel encore clair. Après un dîner en famille, l’elfe se dirigea en catimini vers les cachots. En passant
devant les gardes, il leur ordonna de ne pas intervenir s’ils entendaient des hurlements. Il s’assit devant la cellule de la jeune fille aux cheveux d’ébène et cette fois, resta silencieux. Il avait pris place si discrètement qu’elle ne remarqua pas immédiatement sa présence. Quand elle le vit cependant, elle se plaqua contre le mur du fond, comme si elle voulait mettre le plus de distance
possible entre elle et son visiteur inopportun. Celui-ci ne changea pas sa technique d’approche et ne pipa mot.

- Qu’est-ce que tu veux ? cracha t-elle comme un chat en colère.
- …
- Tu n’as donc pas compris que je ne voulais plus te voir ?!
- …

Elle se mit alors à hurler. Un des gardes s’approcha, voulant intervenir, mais le regard peu avenant que lui lança Arouas le fit
changer d’avis. Dès lors que l’humaine se rendit compte que ses cris restaient sans effet, elle les interrompit.

- Comment t’appelles-tu ? s’enquit l’elfe d’une voix calme.

Son interlocutrice le dévisagea avec méfiance mais elle dut penser que cette question n’avait rien d’indiscret car elle consentit à répondre du bout des lèvres :

- Leya.
- C’est un joli prénom, commenta le jeune prince. Moi, c’est Arouas.

N’obtenant aucune réponse, il se leva et lui annonça qu’il viendrait la voir le lendemain. Il sortit des cachots, le pas léger et le sourire aux lèvres. Elle lui avait parlé sans agressivité ! Il ne s’agissait que d’un mot, mais c’était un début. Il savait qu’il pourrait bientôt l’aider, il le sentait.

Les jours passaient, devenant des semaines. Les journées d’Arouas s’écoulaient, presque identiques, mais sans que la routine ne devienne pesante. Le matin, l’elfe allait courir, le plus souvent seul, parfois en compagnie de sa sœur. À midi, il déjeunait avec Leya puis, il allait discuter avec son père dans les jardins royaux. Depuis leur entrevue houleuse, leurs rapports étaient de nouveau au beau fixe. L’après-midi, il étudiait, apprenait à se battre et faisait de longues randonnées à cheval. Il dînait en famille
et se rendait aux cachots une heure ou deux.

À force de patience, la jeune fille était de moins en moins sauvage et ils discutaient de choses et d’autres, mais elle restait toujours sur ses gardes et ne se confiait jamais. Un midi, alors qu’il mangeait avec elle, il essaya de la faire parler de son passé :

- Tu habitais où au Notchïnà ? Tu ne me l’as jamais dit.

Elle se referma comme une huître et ne dit plus un mot du repas, malgré les efforts de l’elfe.

Ce soir-là, pendant le dîner, Azigon prit la parole :

- Arouas, des gardes m’ont prévenu que tu passais beaucoup de temps avec une prisonnière humaine.

Le prince acquiesça, conscient que nier serait inutile.

- Puis-je savoir ce que tu fais là-bas ?
- On parle de choses et d’autres.
- Avec une humaine ? Une espionne en plus !

Le roi était incrédule. Depuis son enfance, les elfes étaient en guerre contre les humains et les deux espèces se haïssaient. C’était comme ça. Alors qu’un elfe – surtout son propre fils ! – se mette à fréquenter une humaine lui paraissait totalement incongru.

- Mais enfin, tu n’as pas… tu n’es pas… euh…
- Amoureux ? acheva Arouas.

Le roi déglutit avec difficulté puis acquiesça.

- Non ! Nous sommes amis, c’est tout.
- J’espère bien ! Je veux une jolie elfe pour belle-fille.

Azigon éclata d’un rire forcé comme s’il venait de faire une bonne plaisanterie mais Arouas se rendait bien compte que son père
n’approuvait pas sa relation avec Leya.

A la fin du repas, quand le roi sortit de table, Nessia serra la main de son frère d’une pression encourageante. Arouas lui sourit, il
savait qu’elle comprenait son désarroi mais ne souhaitant pas en parler, il se leva à son tour. L’elfe prit le chemin des cachots afin de voir Leya. Assise en tailleur à même le sol, elle l’attendait. Il s’assit dans la même position et la salua. A sa vue, un léger sourire éclaira le visage de l’humaine. C’était la première fois que le prince la voyait sourire et cela lui réchauffa le cœur. Désolé de mettre fin à sa bonne humeur, Arouas lâcha :

- Mon père ne veut plus que je te voie.
- Mais, protesta la jeune fille, pourquoi ?
- Parce que tu es une humaine et que je suis un elfe.
- Et alors ?! Je n’ai pas choisi d’être humaine.
- Je le sais bien, soupira l’elfe, mais c’est mon père !
- Tu ne viendras plus me rendre visite alors ?
- Bien sûr que si ! Il ne me l’a pas clairement ordonné, il m’a juste fait comprendre qu’il désapprouvait.
- Sans toi, je me serais sûrement donné la mort à l’heure qu’il est.

Arouas la regarda, étonné ; c’était plutôt inattendu de sa part de faire une déclaration de ce genre. Il changea de sujet :

- Ton procès est dans huit jours.

Leya acquiesça.

- Si je suis innocentée, ils me ramèneront au Notchïnà ?
- Je l’ignore.
- Je ne veux pas retourner là-bas !
- Pourquoi ?

Leya pinça les lèvres et son ami ne put rien en tirer de plus à ce sujet. Il lui souhaita une bonne nuit et s’éclipsa dans sa chambre.

Le lendemain, dans l’après-midi, alors qu’il déambulait sans but précis dans le palais, Arouas passa devant la salle du trône et des
cérémonies, où le monarque s’entretenait avec les visiteurs. La porte était entrouverte et le prince aperçut son père entouré de sa garde personnelle en grande discussion avec trois humains. Il ne se serait pas arrêté écouter aux portes s’il ne les avait pas entendus parler de « l’humaine aux cheveux noirs ». Le cœur battant à l’idée de se faire découvrir, il tendit l’oreille.

- …car ils l’ont trouvée sur nos terres, elle est donc suspectée d’espionnage.
-
Il n’en est rien Majesté, répliqua un humain avec une pointe d’ironie sur le dernier mot. Notre roi la recherche, elle est coupable
d’activités illicites.
- Nous verrons cela lors de son procès, dans une semaine, déclara le roi avec froideur.

L’humain s’approcha de quelques pas et les gardes dégainèrent leurs épées. L’homme prit une voix menaçante :

- Je crois que vous ne comprenez pas bien la situation. Cette fille est
humaine, elle appartient à notre vénérable souverain, Grùk.

Sans se départir de son calme, Azigon annonça :

- Je vous ferai connaître ma réponse.
- Puissiez-vous choisir la bonne ! railla le soldat

Il fit un signe à ses comparses et se dirigea vers la porte. Avant de sortir, il se retourna et lâcha :

- Nous reviendrons dans deux jours.


Dernière édition par Ellana le Mar 12 Mai - 18:47, édité 1 fois
Revenir en haut Aller en bas
http://voyageatraverslesmots.skyrock.com
Ellana

Ellana


Messages : 83
Date d'inscription : 06/04/2009
Age : 30

Arouas prince-elfe Empty
MessageSujet: Chapitre 2 (2ème partie)   Arouas prince-elfe Icon_minitimeMar 12 Mai - 18:47

Arouas se hâta vers la sortie le plus silencieusement possible. Une fois dehors, il se mit à courir jusqu’aux cachots. Il ne s’arrêta
qu’une fois devant la cellule de Leya. Il s’agrippa aux barreaux et y appuya son visage. La jeune fille le fixait, intriguée par son
comportement.

- Il y a des humains aux palais ! souffla Arouas complètement paniqué.

Les yeux de la jeune fille brillèrent de peur et ses poings se serrèrent mais cela ne dura qu’un instant. Elle reprit rapidement son
calme. D’habitude, c’était le contraire, le jeune elfe restait toujours maître de ses émotions alors qu’elle, s’emportait rapidement.

- C’est toi qu’ils veulent ! continua Arouas.
- Oui, je sais, dit simplement Leya.
- Mais pourquoi ?

La jeune fille esquiva la question :

- Que va faire ton père ?
-
Il leur a dit qu’il allait réfléchir. Il doit leur donner sa réponse dans deux jours. Mais je pense qu’il va te livrer ! Il ne voudra pas
risquer une bataille pour une humaine.

- Tu vas intervenir ?
- Je ne peux pas ! Ça a beau être mon père, c’est le roi, je n’ai pas à discuter ses décisions.

Leya céda à la colère :

- Et tu t’écrases toujours comme ça devant ton père ?

Elle se forçait à murmurer pour que les gardes ne l’entendent pas mais il s’en fallait de peu qu’elle se ne mette à hurler.

-Je croyais qu’on était amis, que tu tenais à moi ! poursuivit-elle. Mais apparemment, je me suis trompée !
- Ce n’est pas ça ! se défendit le jeune elfe. Je t’aime beaucoup mais mon père est le roi ! Je ne peux pas le contredire.
-
Tu n’es qu’un lâche ! Tu ne sais pas ce qu’ils vont me faire au Notchïnà. Mais toi, ça t’est égal. Du moment que tu te fasses bien voir
de ton père…

Sa voix se cassa et ses yeux brillèrent de larmes.

- Écoute Leya, je n’ai jamais dit que je t’abandonnerai ! Je ne vais
pas en parler à mon père, nous allons nous enfuir.
- Quoi ?! Mais tu es fou ! On va se faire prendre. Et si c’est par les humains, c’en est fini de nous deux !
- Personne ne nous attrapera. Nous partons à la nuit tombée.

Arouas lui adressa un signe de la main et tourna les talons.

Il passa le reste de l’après-midi à trier les affaires qu’il voulait emporter. Il ne souhaitait pas s’encombrer, aussi avait-il pris
seulement l’essentiel. Il fourra pêle-mêle dans un sac à dos quelques vêtements de rechange pour lui et pour Leya – qu’il avait « empruntés » à sa sœur -, des couvertures, ses armes et sa flûte dont il ne pouvait se séparer. Il décida qu’ils partiraient à cheval. Arouas expliqua, dans son langage, à Plume qu’elle devait rester près du palais pour être présente lorsqu’il l’appellerait. Il prépara un autre cheval pour son amie. L’heure du repas arriva juste à la fin des préparatifs.

- Que se passe t-il Arouas ? lui demanda Nessia après le dîner quand ils se retrouvèrent seuls.
- Oh… euh… Je m’en vais, avoua t-il.

Il ne voulait pas mentir à sa sœur, surtout que comme toujours, elle avait deviné que quelque chose le tracassait.

- Tu t’en vas ? fit-elle sans comprendre.
- Oui. Père veut livrer Leya aux humains alors nous partons ensemble.
- Qu… Quoi ?!! Mais, où ça ?
- Dans la forêt.
- C’est de la folie !
- Je sais. Je n’ai pas le choix.
- Tu peux demander à Père de modifier sa décision ! Je t’aiderai à le convaincre.
- Il ne nous écoutera pas, tu le sais aussi bien que moi.
- Oh Arouas…

Nessia effleura le visage de son frère d’une main tremblante.

- Je t’aime. Je ne veux pas que tu me quittes…

Une larme roula sur sa joue. Arouas la serra dans ses bras et lui glissa à l’oreille :

- Moi aussi, je t’aime. Je te donnerai de mes nouvelles, ne t’en fais pas.

Après cette étreinte, le jeune elfe sortit du palais en s’efforçant de ne pas se retourner vers sa sœur. Il savait que s’il la voyait en
larmes, il n’aurait pas la force de partir. Le ciel s’assombrissait et il ferait bientôt nuit. Arouas marcha jusqu’à la lisière de la forêt.
Utilisant son pouvoir de communication avec les animaux, il appela un bel écureuil roux et lui murmura quelques mots. Il se
posta à proximité des cachots et attendit. L’obscurité était tombée lorsqu’un cri déchira la nuit. Tout se passait comme prévu. Il avait fait comprendre, avec difficulté, à l’écureuil qu’il devait créer une diversion afin d’alerter les soldats postés aux cachots.

En effet, ceux-ci déboulèrent au pas de course pour secourir leur collègue. Arouas se glissa plus silencieusement qu’une ombre dans les
cachots et s’empara du trousseau de clé accroché au mur. Il ouvrit la cellule de Leya et lui fit signe de le suivre en silence. La jeune fille s’exécuta.

- Va m’attendre à la lisière de la forêt, murmura t-il.

Tout en la suivant du regard, l’elfe se rendit aux écuries et détacha Souffle, le petit cheval alezan qu’il avait préparé pour Leya. Il
l’enfourcha et celui-ci partit au petit trot. Les rares elfes qu’il croisa ne s’étonnèrent pas de le voir à cheval à cette heure : le
prince avait pour habitude de se promener quand bon lui semblait. Il atteignit l’orée du bois, où se trouvait Leya. Une fois à couvert des
arbres, il mit pied à terre. Il donna sa monture à la jeune fille qui s’y jucha et monta lui-même avec souplesse sur Plume qui l’attendait
patiemment.

- Tu es déjà montée à cheval ? s’informa Arouas en essayant de ne pas faire trop de bruit.
- Non, jamais.

Une grimace de contrariété se peignit sur le visage de l’elfe.

- Je n’ai pas le temps de t’apprendre maintenant. Pour l’instant, tu vas t’agripper à la crinière et rejeter tes épaules en arrière. Souffle
va suivre Plume. Essaie de ne pas tomber.

Leya acquiesça. Arouas pressa les flancs de sa jument qui prit le galop. L’elfe regarda en arrière et vit Souffle lui emboîter le pas. La jeune fille était crispée et arrondissait inconsciemment son dos.

- Détends-toi, lui conseilla Arouas. Et recule tes épaules.

Ils galopèrent ainsi une demi-heure. Le silence était seulement brisé par le rythme des foulées des chevaux sur le sol. Les cavaliers
ralentirent l’allure pour ménager leurs chevaux. Ils avancèrent toute la nuit, alternant de courts temps de galop et des temps plus longs de pas. L’aube se leva, entraînant avec elle son cortège de chants d’oiseaux et de bourdonnements d’insectes. Arouas et Leya mirent pied à terre au bord d’un fleuve, faisant marcher Plume et Souffle pour qu’ils récupèrent avant de les laisser se désaltérer. Les équidés étaient épuisés et leurs robes luisaient de sueur. Leurs cavaliers se laissèrent tomber au sol et plongèrent avec délice dans un profond
sommeil sans rêves, la tête à peine posée dans l’herbe. Ils dormirent ainsi jusqu’au milieu de l’après-midi, quand la faim les réveilla.

Un quart d’heure plus tard, Arouas et Leya étaient assis autour d’un repas constitué de fruits cueillis dans les branches alentour.

- Tu sais, je suis désolée, lança soudain Leya.
- Désolée ? Mais de quoi ?
- De t’avoir traité de lâche.
- Oh ça… C’est sans importance, j’aurais réagi de la même façon.
- Non. Toi, tu serais resté calme comme toujours et tu aurais cherché une solution.

L’elfe haussa les épaules mais ne répondit pas.

- Je tiens vraiment à m’excuser, crois-moi, continua t-elle. Ce que tu
fais, c’est… vraiment très courageux de ta part. Personne n’a jamais
fait quelque chose d’aussi bien pour moi.

Des larmes brillaient au coin de ses yeux qu’Arouas fit semblant de ne pas remarquer quand il dit :

- Eh bien… Si tu y tiens, j’accepte tes excuses mais n’en parlons plus.

Ils reprirent leur route, sitôt repus. Les deux chevaux avaient bien récupéré et avançaient à bonne allure. Ils suivirent le fleuve qui
s’étirait comme un lacet jusqu’à l’horizon. C’était une très chaude journée de printemps. Les deux compagnons cheminaient à l’ombre des
arbres pour profiter d’un peu de leur fraîcheur. Le bruit continu de la course du fleuve rendait toute conversation impossible et ils se
contentèrent de chevaucher sans un mot, observant le disque orange du soleil disparaître progressivement jusqu’au lendemain. Il laissa la place aux reines de la nuit, les étoiles. Arouas, jugeant qu’ils étaient suffisamment éloignés du palais ne pressait pas leurs montures.

Un bruit de cavalcade déchira soudain l’air de la nuit. Arouas jura entre ses dents et sauta à terre. Il fit signe à son amie de l’imiter
et déclencha une émotion de peur chez les chevaux afin qu’ils partent se cacher le plus loin possible. Il cherchait frénétiquement des yeux une cachette assez grande pour eux deux quand un buisson assez éloigné du sentier attira son attention. Il agrippa le poignet de Leya et la tira derrière lui. Ils se tapirent comme deux lapins effrayés dans leur terrier à l’approche d’un prédateur. Les chevaux qu’ils avaient entendus se rapprochaient. Arouas pouvait les distinguer à travers le feuillage de sa cachette. Il s’agissait de trois fiers destriers
écumants montés par des soldats du royaume. Aucun doute, ils cherchaient les fugitifs. La monture de tête repassa au pas et les
autres suivirent son exemple. Un instant, Arouas trembla à l’idée d’être découvert mais il n’en fut rien et les cavaliers continuèrent
leur chemin. Quand ils furent hors de vue, l’elfe, qui s’était abstenu de respirer à leur passage, lâcha un profond soupir de soulagement.

- Il faut que nous nous dépêchions maintenant, chuchota Arouas.
- Mais pour aller où ?
- Ma mère m’avait montré un endroit où je pense que nous serons en
sécurité. Il faut suivre le fleuve jusqu’à la mer. Nous arriverons à
destination dans quelques lieues.

Ils marchèrent quelques temps sans parler, l’oreille aux aguets. Les chevaux leur offrirent une grosse frayeur quand ils les rejoignirent. Ce fut le seul incident notable qui se produisit. Quand ils ne furent plus très loin de la mer, les arbres commencèrent à se raréfier et le sable remplaça la forêt. Sur leur gauche, une falaise abrupte se dressait, surplombant la plage. Les adolescents mirent pied à terre et se rapprochèrent de la mer. La lune s’y reflétait et lui conférait un aspect magique. Ils la longèrent quelques minutes, respirant l’air iodé avec délice. Arouas désigna la falaise à son amie.

- C’est ici, déclara t-il.

Leya plissa les yeux.

- Je ne vois rien.

Il sourit :

- C’est pour cette raison que nous serons en sécurité. La cachette est invisible depuis le sol. Allez viens !

L’elfe entraîna la jeune fille vers l’escarpement rocheux.

- Tu as déjà pratiqué l’escalade ? demanda t-il.
- Sur des arbres, oui. Jamais sur des falaises.
- Ce n’est pas si différent. Vas-y ! Je reste derrière toi au cas où.

Elle entama l’ascension sous l’œil attentif de son ami. Arouas guidait Leya à la voix pour qu’elle trouve la cachette. Ils y parvinrent assez
rapidement. C’était en fait une cavité naturelle. Peu haute mais plutôt large, ils pouvaient largement se coucher et même s’assoir mais pas se tenir debout.

- Waouh ! souffla Leya.

Arouas sourit. Ils déposèrent leurs affaires et sombrèrent dans le sommeil.
Revenir en haut Aller en bas
http://voyageatraverslesmots.skyrock.com
Ellana

Ellana


Messages : 83
Date d'inscription : 06/04/2009
Age : 30

Arouas prince-elfe Empty
MessageSujet: Chapitre 3   Arouas prince-elfe Icon_minitimeMar 12 Mai - 18:59

Chapitre 3


- Je vais me baigner ! lança Leya d’une voix chantante.

Les deux adolescents se prélassaient au soleil face à la mer depuis au moins une heure. Ils admiraient les reflets chatoyants bleus-verts de l’eau tout en discutant tranquillement. La jeune fille se leva d’un bond, jeta ses vêtements pêle-mêle par terre et commença à courir. Ses cheveux lâchés volaient au vent derrière elle tandis que le soleil dansait sur sa peau hâlée.

- Attends-moi, j’arrive ! lui cria Arouas.

Il se mit à son tour debout et entreprit de la rattraper. Soudain, Leya trébucha sur le sol inégal et chuta. L’elfe, qui arrivait derrière, ne put s’arrêter à temps et, emporté par son élan, tomba sur son amie. Les deux jeunes gens roulèrent sur le sable fin et leurs éclats de rire fusèrent. Ils se relevèrent péniblement et, sans cesser de rire, pénétrèrent dans l’eau salée. Sa température était clémente, l’eau étant chauffée par le soleil depuis l’aube.

Cela faisait plusieurs semaines qu’ils vivaient dans la grotte. Arouas appréciait particulièrement cette existence ; ils vivaient au jour le jour, en harmonie avec la nature et se nourrissaient de fruits et de champignons. Ils n’avaient aperçu aucune patrouille royale les recherchant depuis leur fuite et ils allaient, insouciants, profitant au maximum de leur liberté. Tout aurait été parfait si Nessia et son père n’avaient pas autant manqué au jeune prince. Celui-ci souffrait véritablement de cette séparation, bien qu’il fût en contact avec sa sœur, s’échangeant des lettres par l’intermédiaire d’oiseaux. Quant à Leya, elle s’était véritablement métamorphosée. Pendant son séjour en prison, Arouas l’avait connu sombre, maussade et triste. Depuis leur fuite cependant, elle était devenue quelqu’un de gai avec en permanence le sourire accroché aux lèvres. Ces deux là s’entendaient à merveille et l’elfe comprenait enfin le vrai sens du mot « bonheur ».

Ils jouèrent un long moment dans la mer, se pourchassant comme deux enfants et riant aux éclats. L’après-midi était déjà bien entamée quand ils rejoignirent la plage. Ils s’assirent à même le sol, dos à la falaise. Arouas se tourna vers Leya, avec l’intention de lui dire quelque chose mais son cœur rata un battement avant de repartir de plus belle. Le souffle lui manquait devant ce qu’il voyait. La jeune fille avait les jambes repliées et s’appuyait sur un de ses bras. Ses cheveux mouillés étaient rejetés en arrière et des perles d’eau
coulaient le long de son dos. Les yeux rieurs et les lèvres retroussées en un magnifique sourire, elle était belle. Belle et bien plus encore aux yeux de l’elfe. La splendeur du paysage de fond ajoutait encore à cet effet et on eût dit que le soleil n’existait que pour l’auréoler d’une lumière éclatante, en laissant le reste dans l’ombre. Mû par un instinct inscrit au plus profond de son être, Arouas se rapprocha d’elle.

- Tu ne m’as jamais parlé de ton passé, de ce que tu faisais avant d’atterrir dans les cachots de l’Aglidöré, remarqua doucement l’elfe.

Il estimait qu’ils étaient suffisamment proches pour être en droit de lui demander cela. Leya resta un instant silencieuse avant de répondre :

- J’ai quinze ans, ma mère est morte quand j’en avais dix et je n’ai jamais connu mon père.

Elle se tut, comme pour rassembler ses souvenirs puis elle poursuivit :

- Jusqu’au décès de ma mère, j’étais heureuse. Elle me ressemblait énormément et nous étions très complices. Il y avait un seul problème : c’était une sorcière.

Devant la mine interrogative de l’elfe, elle expliqua :

- Il n’y a pas d’équivalent pour ta race. Chez les humains, une sorcière est une femme qui fabrique des potions, lance des maléfices et invoque des esprits. Une sorcière peut être bonne ou mauvaise, cela dépend de l’usage qu’elle fait de sa magie. Ma mère ne l’utilisait qu’à bon escient mais nous étions rejetées par les autres humains. Nous ne pouvions vivre dans des villes ou des villages à cause de cela et nous habitions une petite maison à l’écart de la civilisation, dans la forêt. Les humains nous haïssaient et seule la peur de représailles magiques les retenait de nous attaquer et de nous tuer. Un jour cependant, un jeune homme à peine adulte et plus courageux que les autres s’est rendu chez nous et a… poignardé ma mère.

Au fur et à mesure qu’elle avançait dans son récit, elle pâlissait à vue d’œil. Bouleversée, des larmes ruisselaient sur ses joues. Cela faisait de la peine à Arouas de la voir revivre ses malheurs et il s’en voulait d’avoir amené la conversation sur ce sujet. Avec un air compatissant, il posa sa main sur celle de Leya.

- Qu’as-tu fait ? demanda t-il.
- J’ai invoqué un esprit et lui ai ordonné de tuer l’assassin de ma mère. Ce qu’il a fait.
La jeune fille calma ses sanglots et, les yeux rivés sur le sol, continua de parler :
- Les cinq dernières années ont été les plus pénibles de ma vie. Comme ma mère était morte, les humains se sont dit que les sorcières pouvaient être éradiquées et ils s’en sont pris à moi. Chaque jour, j’étais persécutée. Les enfants me jetaient des pierres, les chiens étaient dressés pour me mordre, les anciens racontaient des histoires sur moi et les adultes me donnaient la chasse. J’ai fini par quitter ma maison. J’ai vécu dehors, dormant à un nouvel endroit chaque nuit. Régulièrement, je rencontrais des humains, ils me frappaient mais
je parvenais toujours à m’échapper avant qu’ils essayent sérieusement de me tuer. Et il n’y a pas si longtemps que cela, une semaine avant que les soldats elfes ne me capturent, je me suis rappelée les histoires que me contait ma mère quand j’étais petite, sur les elfes. Des gens merveilleux, disait-elle. J’ai donc franchi la frontière, en quête d’une vie meilleure. Je savais qu’il y avait une guerre entre le Notchïnà et l’Aglidöré mais, vivant recluse, je n’en avais pas saisi l’ampleur. Imagine donc ma surprise quand les soldats me sont tombés dessus et m’ont arrêtée.
Sa voix se fit amère lorsqu’elle poursuivit :
- Les humains ne m’avaient jamais acceptée et ne me considéraient pas comme l’une des leurs. Ma mère faisait confiance aux elfes et j’ai cru que je serais bien reçue ici, que je pourrais mener une vie normale, sans avoir à me cacher. Espoir déçu. Je suppose que tu comprends mieux ma haine des elfes quand je suis arrivée. Maintenant, je suis heureuse avec toi, mais je suis toujours obligée de fuir. La différence, c’est que je ne suis plus seule et de cela, je t’en suis extrêmement reconnaissante.

Elle se tut, ayant achevé son récit.

- Merci, dit simplement l’elfe. De me faire confiance.
- Je n’avais jamais raconté ça à personne, reprit la jeune fille d’une voix mal assurée et avec un timide sourire.

Arouas prit soudain conscience de leur proximité. Leurs mains étaient toujours mêlées et leurs épaules se frôlaient presque. Leya, qui avait les yeux dans le vague, les leva brusquement vers ceux d’Arouas. Leurs regards se croisèrent et celui-ci perdit le contrôle de son corps. Une force extérieure le poussait, guidant ses actes sans lui laisser le choix. Il avança son visage et leurs lèvres s’unirent en un doux baiser. Tendrement d’abord, puis avec plus de force. C’était comme s’il avait vécu toute sa vie pour en arriver là, à cet instant précis. Ils se séparèrent et échangèrent un regard gêné. Plume et Souffle, la tête haute et les oreilles dressées, arrivèrent au galop, dissipant la sensation de malaise qui s’était infiltrée entre eux.

- On va se promener ? proposa Leya.

Ils enfourchèrent les chevaux et partirent au galop dans les bois. Ils cueillirent des fruits pour leur dîner et s’arrêtèrent dans une prairie pour manger.

Les jours s’écoulaient, paisibles, et les deux compagnons avaient perdu la notion du temps. Ils étaient heureux et cela leur suffisait. Ils ne suivaient aucune règle, faisaient ce qu’ils voulaient quand ils le désiraient. Arouas résumait sa nouvelle existence en trois mots. Liberté. Amour. Bonheur. Mais c’était trop beau pour durer, ils auraient dû s’en douter. Cette vie heureuse était en équilibre instable au bord d’un précipice, où elle pouvait tomber à chaque instant.

Cela arriva une journée où Arouas était parti faire un tour dans la forêt avec Plume. Il s’était aventuré plus loin qu’il ne le pensait quand il entendit quelque chose qu’il reconnut aussitôt et qui lui glaça le sang. Des chevaux hennissaient et des hommes ou des elfes conversaient. Cette rumeur était accompagnée par le fracas d’armes qu’on maniait. Une bataille se préparait ! Arouas se figea. Il mit pied à terre sans bruit et se rapprocha le plus silencieusement possible. Une foule d’elfes était rassemblée à la lisière de la forêt. Le prince aperçut même son père, sa sœur et Colgia, sa professeur d’apprentissage du combat. À l’horizon, se tenait un rassemblement à peu près égal d’humains. Entre les deux, se trouvait la Plaine Sanglante, ainsi nommée en raison des nombreux combats ayant eu lieu à cet endroit depuis la nuit des temps. C’était là que se déroulerait la bataille. Arouas se tapit dans les fourrés pour observer sans être vu. Un messager humain traversa la plaine sur un cheval au galop. Il s’arrêta devant Azigon.

- J’ai un message de la part de Grùk, mon vénérable roi.
- Parle, je t’écoute ! dit le roi des elfes d’une voix forte.
- Vous nous aviez dit que vous nous livreriez la sorcière et…
- C’est faux ! Je n’ai jamais dit une chose pareille. J’ai dit que j’allais y réfléchir.
- Et cela fait deux mois qu’elle a soi-disant disparu ! Si vous ne la livrez pas immédiatement au roi, nous lancerons nos troupes sur vous et nous tuerons les elfes jusqu’au dernier.
- Et bien, faites ! Je n’ai pas d’ordres à recevoir des humains. De plus, l’humaine n’a pas été retrouvée.

Arouas recula, veillant à ne pas se faire entendre. Il enfourcha Plume et quand il fut assez loin, il prit le galop. Il ne s’arrêta qu’une fois sur la plage et escalada à toute vitesse la falaise. Il pénétra dans leur cachette où se trouvait Leya. En le voyant tout essoufflé, elle lui jeta un regard surpris puis se rapprocha, inquiète de l’expression affolée qui se lisait sur son visage.

- Ça va ? s’enquit-elle.

Il secoua la tête, peinant à reprendre sa respiration.

- Une bataille… Il va y avoir une bataille… entre les… humains et les… elfes.
- Quoi ?! Où ça ?
- À la… Plaine Sanglante.
- Mais pourquoi ?!
- Parce que… mon père ne t’a pas livrée.

La jeune fille en resta muette d’horreur.

- Je vais me battre, dit Arouas.

Il entama alors la désescalade de la falaise et appela Plume. Celle-ci ne tarda pas à apparaître, suivie de Souffle. Il se jucha sur la petite jument. Leya les rejoignit à ce moment.

- Je viens avec toi, déclara t-elle.
- Hors de question, trancha l’elfe.
- Mais c’est de ma faute !
- On ne pouvait pas te livrer à Grùk ! Et puis, tu ne sais même pas te battre.
- Tu oublies que je suis une sorcière, j’ai des pouvoirs qui pourraient aider ton peuple.

D’une voix plus douce, il essaya de la convaincre :

- Je ne veux pas qu’il t’arrive quelque chose. Ne viens pas, je t’en prie. Je t’aime.

Il pressa ses jambes contre les flancs de Plume qui prit le galop. Une fois dans la forêt, il se retourna et aperçut Leya et Souffle dans son sillage. Il leva les yeux au ciel afin de lui montrer son exaspération et, sachant qu’il ne pourrait la faire changer d’avis, continua sa route. Il mit pied à terre quand il fut arrivé à proximité de la plaine. Un sentiment d’appréhension lui étreignit le cœur quand il pensa à ce qu’allaient dire les elfes à son apparition, après plusieurs semaines d’absence. Il prit une grande inspiration et sortit de la forêt. Au début, personne ne le remarqua. Il fendait la foule avec aisance, le cœur battant. Progressivement, certains prirent conscience de sa présence. Ceux-là s’écartaient à son passage. Il se força à garder la tête haute, essayant de prendre une attitude princière alors qu’il mourrait d’envie de disparaître sous terre. Sa sœur le remarqua avant son père. Elle descendit de son cheval et courut vers Arouas. Un grand sourire illuminait son visage. Elle sauta au cou de son frère qui la fit tourner plusieurs fois avant de la reposer à terre. Ils se regardèrent un instant sans rien dire, savourant le bonheur de se retrouver puis elle lui prit la main et l’entraîna vers leur père. Le roi
était toujours en selle et fixait son fils sans rien dire. Aucune expression n’habitait son visage mais Arouas se sentait coupable. Alors, il baissa les yeux, attendant les remontrances. Il se raidit lorsque son père mit pied à terre mais au lieu de le disputer, celui-ci l’étreignit avec force. Le prince, d’abord étonné, finit par lui rendre son étreinte.
Revenir en haut Aller en bas
http://voyageatraverslesmots.skyrock.com
Ellana

Ellana


Messages : 83
Date d'inscription : 06/04/2009
Age : 30

Arouas prince-elfe Empty
MessageSujet: Chapitre 4   Arouas prince-elfe Icon_minitimeMer 13 Mai - 17:13

Chapitre 4


Arouas décala ses hanches, évitant ainsi l’épée qui lui aurait transpercé le bassin. La bataille avait débuté une vingtaine de minutes plus tôt et par trois fois déjà, il avait tué. Un goût amer emplissait sa bouche et il ressentait une furieuse envie de vomir. Mais il savait qu’il n’avait pas le choix, il devait se battre.

- Pour Leya, pensa t-il.

Et il décapita son adversaire. Il s’engagea dans un autre combat et ne put s’empêcher de parcourir la plaine du regard pour vérifier que son amie était restée à l’abri de la forêt. Il ne la vit pas et soupira, soulagé.

Fréquemment, un elfe criait :

- Tirez !

Une volée de flèches s’abattait alors sur le champ de bataille et des dizaines d’hommes s’effondraient. Les pertes, sensiblement égales de chaque côté, augmentaient à une vitesse vertigineuse.

Soudain, une bise glacée balaya la plaine, faisant frissonner les combattants. Le vent augmenta progressivement d'intensité, déclenchant une véritable tempête. Le ciel s'obscurcit, envahi par de nombreux nuages sombres. Le soleil s'effaça, devint un souvenir. Inquiets, les elfes et les hommes cessèrent les combats et observèrent autour d'eux, cherchant la cause de ce brusque changement de météo. Arouas aperçut Leya. Debout au milieu du champ de bataille, ses bras étaient levés vers le ciel. Les rafales jouaient dans ses cheveux qui dansaient et claquaient en écho aux bruyantes bourrasques. Elle était impressionnante, aucun vestige de son malheur antérieur ne subsistait. Une lumière irradiait de tout son être et illuminait les alentours. La concentration plissait son front. Ses lèvres s'agitaient au rythme des incantations qu'elle proférait, trop bas pour que ses paroles soient entendues. Quelqu'un cria :

- C'est la sorcière! Celle que le roi cherche!

Une clameur retentit dans la foule, tous les humains voulurent se saisir d'elle, mais ils restaient tétanisés, n'osant l'attraper tellement elle paraissait irréelle. À ce moment, un grondement retentit. Les cieux en colère semblèrent s'ouvrir, libérant un…

- Un esprit! pensa Arouas se rappelant les récits de Leya.

Le vent tomba, laissant derrière lui un amas de nuages gris. L'entité n'avait pas de corps solide ni de contours précis bien qu'elle se dessinât distinctement. On eût dit qu'il faisait partie intégrante du ciel. Ce n'était qu'un visage, un visage de forme humaine mais incolore. Tous avaient les yeux fixés sur lui, incrédules. Leya s'était tue et son apparence était revenue à la normale. Arouas se rapprocha d'elle.

- Ça va? lui murmura t-il.
- Oui, mais regarde!

L'esprit poussa une sorte de hurlement :

- Grùk!

Le roi humain ne participait pas directement aux combats, il était resté sur le bord de la plaine, encadré par une dizaine de gardes du corps. La bouche de l'esprit – ou ce qui en faisait office – s'arrondit et un puissant souffle s'en échappa. Face à sa violence, une flèche sortit du carquois d'un elfe et vola en ligne droite jusqu'au roi. Un de ses soldats l'arrêta avec son bouclier. L'esprit rugit de fureur et souffla de plus belle. Cette fois-ci, plusieurs dizaines de flèches s'élevèrent et fusèrent vers Grùk. Ses gardes du corps tentèrent de les
empêcher d'atteindre leur souverain avec leurs armes, en vain.

- Noooooon! hurla le roi.

Les flèches le transpercèrent et il tomba dans un long cri d'agonie. Voyant leur monarque mort, les humains détalèrent. Arouas observait l'esprit. Ses traits devinrent flous et il disparut progressivement. L'azur du ciel resplendit de nouveau. Seuls les cadavres étendus dans l'herbe rappelaient les événements qui venaient de se dérouler dans la Plaine Sanglante.

La nuit tomba. Les elfes auraient dû être heureux de leur victoire. Mais ce n'était pas dans leur tempérament. Alors à la place de festoyer, ils empilèrent avec tristesse les corps de leurs défunts. Selon la coutume elfique, ils dressèrent un grand bûcher qu'ils enflammèrent. Les flammes léchèrent les cadavres et les volutes de fumée s'élevèrent jusqu'au ciel.

Le roi Azigon se tenait devant le feu, les yeux dans le vague. Son fils se joignit à lui.

- On a gagné, constata le roi sans aucune gaieté.
- Oui, mais à quel prix? rétorqua Arouas.
- La joie viendra, mon fils. Elle viendra. Il nous faut juste le temps de pleurer nos morts. Les humains auront un nouveau roi, moins tyrannique je l'espère. C'est une nouvelle ère qui commence!

Le prince demeura silencieux. Parmi les défunts, il n'y avait aucun de ses amis proches, seulement quelques soldats qu'il connaissait de vue, mais la mort comme toujours le déchirait de l’intérieur.

Leya était seule, le dos tourné au feu. Les elfes la fixaient avec curiosité ; ils n'osaient se mêler à elle. Arouas s'approcha doucement. Elle se retourna et lui sourit, tristement. L'elfe lui prit la main et l'entraîna à l'écart, à la lisière de la forêt.

- Ton… L'esprit, c'était assez… impressionnant, dit-il.
La jeune fille haussa les épaules, désabusée.
- J'ai tué. Encore…
Son désarroi était palpable. L'elfe lui caressa la joue pour la réconforter.
- Moi aussi, tu sais. Et si tu n'étais pas intervenue, j'aurais tué encore plus.
Elle se laissa aller contre l'épaule d'Arouas et ferma les yeux.
- J'aimerais… que tu viennes vivre au palais avec moi, dit-il d'une voix hésitante.
- Je ne peux pas, souffla t-elle.
Il ne répondit rien, attendant qu'elle argumente.
- Les tiens ne m'accepteront jamais. Tu crois que je n'ai pas vu comment ils me regardent? Ils ne le cachent même pas.
- Mais non! Quand ils te croyaient espionne, ils ne voulaient pas de toi mais maintenant que tu as tué Grùk, ils savent très bien dans quel camp tu es. Les elfes ne sont pas comme les humains, ça leur est égal que tu sois différente, si tu ne cherches pas à leur nuire! Pour l'instant, ils t'observent avec curiosité car depuis longtemps, nous n'avons pas eu de bons rapports avec les humains mais ils vont très bientôt t'accepter, ne t'en fais pas! Sans compter que tu ne peux pas retourner au Notchïnà, ou du moins, pas tout de suite.

Leya hocha la tête, elle semblait convaincue.

- Et puis, je ne peux pas vivre sans toi…

La conversation était terminée. Les doigts entrelacés, ils marchèrent quelques mètres en silence. Si Arouas n'avait pas contemplé Leya pendant toute la discussion mais avait levé les yeux, même un court instant, il l'aurait vu. Si ses pensées n'avaient pas été accaparées par le désir de faire venir Leya au château, il aurait observé les alentours et aurait eu conscience de sa présence. Si Arouas n'avait pas été obnubilé par la sensation du corps de Leya contre le sien, il aurait senti ses yeux posés sur eux. Mais ce ne fut pas le cas.

Alors ce qui devait arriver arriva. L'archer humain dissimulé derrière un arbre tira avant de s'enfuir dans les profondeurs de la forêt. La flèche fusa et se ficha dans la poitrine de la jeune fille. Arouas hurla. Il la rattrapa par les épaules alors qu'elle tombait et lui arracha la flèche du cœur. Elle eut un sursaut et cracha un peu de sang.

- Arouas… gémit-elle. Je ne veux pas mourir.
- Non, non, ne dis pas ça! Tu ne vas pas mourir!

Il essayait de se montrer rassurant même s'il ne croyait pas ce qu'il disait. Ou plutôt, il voulait y croire. Une profonde douleur lui étreignait le cœur, comme si c'était lui qui avait reçu la flèche. Nessia, qui s'était précipitée au cri de son frère, examina rapidement la blessure.

- C'est trop tard, tu ne peux plus rien pour elle, lâcha t-elle avec tristesse.
Leya balbutia :
- Arouas, je…

Elle mourut sur ces mots.

Incompréhension. Douleur. Solitude. Ces trois mots se succédèrent dans l'esprit d'Arouas puis s'effacèrent, laissant la place à un autre. Vengeance. Le chagrin viendrait, mais ce n'était pas encore le moment. Il posa, pour la dernière fois, un baiser furtif sur les lèvres de Leya et s'enfonça dans les bois, courant sur le sentier sinueux. Il entendit Nessia qui lui criait de revenir, il ne l'écouta pas et poursuivit sa course. De temps à autre, il s'arrêtait et examinait le sol à la recherche d'empreintes. L'humain n'avait pas parcouru un long chemin et
Arouas le rattrapa rapidement. L'archer ne l'avait pas entendu, aussi ne réagit-il pas lorsque l'elfe l'empoigna violemment et le plaqua contre un arbre. L'homme roulait des yeux, apeuré, et regardait frénétiquement autour de lui. C'était un être plutôt petit, et doté d'une certaine ressemblance avec un rat.

- Ne me tuez pas! glapit-il d'une voix suraigüe.
- Pourquoi…
l'as-tu… tué?! gronda Arouas avec difficulté, tentant tant bien que mal de réfréner la colère qui s'insinuait en lui.
- Ne me tuez pas! Pitié!
- Je t'ai demandé pourquoi tu l'avais tuée!
- C'était une sorcière! Elle ne méritait pas de vivre!
La prise d'Arouas resserra.
- S'il vous plaît, ne me tuez pas! Je ferai ce que vous voudrez, supplia l'homme.
Ce fut la fois de trop. L'elfe dégaina son épée.
- Tu es misérable. Misérable et abject. C'est toi qui ne mérites pas de vivre !

Ses actes uniquement gouvernés par ses sentiments, Arouas trancha la tête de l'humain. Il tourna les talons, sans un regard pour sa victime qui gisait dans une mare de sang.
Revenir en haut Aller en bas
http://voyageatraverslesmots.skyrock.com
Ellana

Ellana


Messages : 83
Date d'inscription : 06/04/2009
Age : 30

Arouas prince-elfe Empty
MessageSujet: Epilogue   Arouas prince-elfe Icon_minitimeJeu 14 Mai - 18:37

Épilogue

Arouas marchait lentement. Ses pieds nus foulaient la terre sans s’y enfoncer. Au-dessus de lui, la voûte des arbres ne laissait entrevoir que quelques lambeaux de ciel bleu. Les oiseaux s’étaient tus, ainsi que les insectes. Pas un bruit ne venait troubler la quiétude des lieux, comme si chaque être vivant respectait la douleur de l’elfe. Celui-ci s’arrêta et s’assit au milieu du sentier. Il enfouit sa tête entre ses mains.

Leya… Ce n’était pas possible… Depuis quelques temps, il ne vivait que pour elle. Il ne s’imaginait plus sans elle. Les larmes roulaient sur ses joues sans qu’il n’y fasse attention. Il manquait une partie à son cœur, à sa vie. Il lui manquait Leya… Plus rien d’autre n’avait d’importance désormais.

Une brise légère se mit à souffler, faisant frissonner les feuilles des arbres. Une mélodie presque imperceptible semblait provenir de son souffle puis une voix très faible s’éleva :

Je suis le doux vent qui balaie la grève,
Caresse la dune, aussi léger qu'un rêve.
Je suis le loup qui hurle sur la colline,
Le pin majestueux aux longues épines.

Je suis l'eau bondissante de la rivière,
Le soleil qui apporte de la lumière.
Je suis l'aigle planant sur les montagnes,
Le lièvre brun courant dans les campagnes.

Je suis dans chaque être vivant,
Je réunis les éléments.
Je suis un symbole de liberté.

Je suis là depuis la nuit des temps,
J'étais présente au commencement.
Je suis Dame Nature pour l'éternité.

Arouas se redressa et ferma les yeux. Il se laissa emporter par la mélodie. Loin. À un endroit d'où il ne reviendrait jamais. Quand la folie meurtrière des hommes l'avait blessé, la Nature avait été là pour lui. À présent, elle l'appelait. Il écouta cette voix et choisit de la rejoindre. Progressivement, il fut ciel et terre, vent et mer, animal et arbre…
Il était libre.
Sur le chemin, où se trouvait Arouas quelques instants plus tôt, il n'y avait plus personne…
Au loin, la trille d'un pinson déchira le silence.




Et voilà, c'est fini! Juste une petite question, qu'est-ce que vous pensez du poème? Ça faisait au moins 3 ans que je n'en avais pas fait alors soyez pas trop critiques! Enfin, dites quand même comment vous le trouvez Wink.
Revenir en haut Aller en bas
http://voyageatraverslesmots.skyrock.com
Contenu sponsorisé





Arouas prince-elfe Empty
MessageSujet: Re: Arouas prince-elfe   Arouas prince-elfe Icon_minitime

Revenir en haut Aller en bas
 
Arouas prince-elfe
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Arouas prince-elfe

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Plumes-en-Vol :: Ellana :: Bibliothèque personnelle :: #nouvelles-
Sauter vers: