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 La recette du bonheur

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MessageSujet: La recette du bonheur   La recette du bonheur Icon_minitimeMar 19 Mai - 21:53

Bonjour à toutes et à tous,



Si je vous écris en ce jour merveilleux du samedi seize mai deux mille neuf, c’est pour vous faire part d’une chose merveilleuse que j’ai découverte, il y a peu de temps.

Depuis deux ans (on va gentiment me concéder l’année deux mille neuf), j’essaie de participer au Pour Clara. La première fois, ayant été prévenu deux semaines avant la date limite, j’avoue m’être un peu senti « pris de court », et n’avoir produit qu’une demi histoire (et encore, je me surestime) pas terrible-terrible, mais qui a commencé à attrister mes amis, sous prétexte que le héros mourait à la fin. Bref. Pour le deuxième Pour Clara, j’ai tenté une nouvelle sur un écrivain raté (moi !), une sur un secrétaire travesti (toujours moi !) et enfin, une sur le fonctionnement de la société (avec critique de tout ce que je déteste le plus au monde.).

Et, comme j’étais encore à la bourre, j’ai reçu un message, il y a peu, me signalant que la date limite avait été repoussée.

J’ai donc pris mon courage à deux mains et, tout en m’emparant de mon clavier, j’ai commencé la rédaction de cette lettre, pour vous faire part d’une chose plus ou moins attrayante.

Mais, je dois d’abord vous prévenir : je ne pense pas excéder les six pages, déjà que cinq, ce serait le nirvana alors, je pense qu’il vaut mieux ne pas trop espérer.

J’ai seize ans, je suis donc dans ma dix-septième année, j’aime la lecture, l’écriture et la musique (pop rock, de préférence), le chocolat, les forums Internet, le football, regarder les séries TV des années quatre-vingt dix et faire des ombres chinoises à ma sœur de quatre mois et demi.

Vous devez vous dire : quel rapport tout cela peut-il avoir avec sa « fabuleuse » découverte ? Pourquoi il nous tient la jambe, l’autre gus, avec sa biographie à deux balles ? Ou alors : mais qu’est ce qu’il nous veut, ce clown ? Encore un qui ferait mieux de faire ses devoirs et de ranger sa chambre…

J’avoue, c’est vrai, je devrais ranger ma chambre (qui est un vrai foutoir), mais, je vous informe que mes devoirs sont faits.

Si je vous écris cette lettre informatisée (que nous ne nommerons pas e-mail, ayez pitié), c’est pour vous raconter un peu le monde du point de vue de l’auteur, et non plus de ce pseudo-personnage de fiction qui n’est pas capable d’être crédible plus de deux pages et demi.

En fait, je suis victime du syndrome de la page qui n’est plus blanche.

Ce syndrome fait que, face à une page immaculée, je saurais toujours réagir (graffitis, scribouillis,…) j’ai toujours de quoi faire, cependant, face aux quelques lignes que j’ai écrite, je sèche : c’est la panne d’inspiration, le vide, le néant, le suicide intellectuel.

Mon imagination a fait comme un saut dans le vide des lignes glacées par l’absence de mots, et je me retrouve nez à nez avec une feuille vide, complètement perdu, comme si j’étais en Amazonie et que ma boussole venait de me lâcher entre les doigts.

C’est tout à fait déstabilisant. Troublant.

Dans ces moments là, je me dis : Mais Pourquoi ?

Et personne ne me répond… Mon inconscient n’est pas très loquace.

La panne d’inspiration, c’est ma spécialité. Ce qui fait que je possède une foule de « début d’histoire ». Alors, vous pouvez en être sûr, mes amis me disent : « T’en es où dans ta nouvelle sur le type qui est médium ? » Et je leur réponds par un grand classique « Oh, tu sais, avec les devoirs, j’ai pas trop eu le temps… mais la suite arrive ! »

Mes amis sont très patients. Certains attendent des suites depuis deux mille trois…

Mais, dans ce petit monde qu’est le mien, outre les problèmes susdits, il y a aussi d’autres trucs particulièrement gênants : Je ne sais pas mentir. C’est super angoissant, parce que je suis incapable de me couvrir moi-même. Dès que ma mère me fixe, je sais qu’elle lit dans mes pensées. C’est horrible. Je suis parfaitement incapable de lui cacher quoi que ce soit.

Ma mère, je sais pas si c’est normal, mais elle me dit, tout doucement, à l’oreille : « Ca va mon poussin ? » et là, automatiquement, je sais qu’elle a déjà tout compris.

Pour faire une surprise pour la fête des mères, vous n’imaginez pas l’enfer que c’est…

C’est bien simple : je n’ai jamais réussi mon coup (sauf quand j’étais tout gamin, parce qu’on le faisait avec les maîtresses, et que c’était les maîtresses qui gardaient les cadeaux).

Là, vous devez vraiment en avoir ras le bol de ma vie hein ? Non ? Fallait pas me dire ça…

J’ai des tendances sadique, mégalomane et…égocentrique.

Oui, je suis moi. Et je m’aime (vraiment très fort).

D’ailleurs, je vais vous dire un peu plus de choses sur moi :

Je suis en première Littéraire (et ma prof de français souffre à chaque lecture de mes magnifiques écritures d’invention…), un petit peu beaucoup allergique aux sciences, avec comme un refus de faire partie du groupe. Enfin, ce n’est pas que je refuse, mais ils ont du mal à m’apprécier. Comme si j’étais une bête étrange. Alors, j’ai fais un choix, niveau bête étrange, je serai un loup-garou. Après tout, c’est sympa les loups-garous (malgré que tout le monde les déteste, moi, je les trouve géniaux), ça a des crocs sublimes, une prestance enviable, un charisme hors du commun des mortels et dans la bouche le goût d’une liberté jamais oubliée.

C’est en partie pour cela que je me sens proche de ces adorables bestioles toutes poilues.

J’ai toujours cette sensation dans les tripes, celle d’être plus un animal qu’un humain, celle d’appartenir à un autre genre de créatures. J’ai cette envie de partir, à chaque seconde, de me battre pour des chimères qui ne sont qu’à moi.

La Lune m’obsède, comme les objets en argent, l’ésotérisme (mais pas les trucs minables des séries télé, non, les gros trucs, avec des faits dans les journaux, les légendes et tout et tout) et la force.

Le rapport de force entre les humains me trouble.

Il suffit de frôler quelqu’un pour savoir s’il est bon ou mauvais, s’il est en danger, ou malade, pour savoir ce qu’il ressent à l’instant même du contact.

La chaleur de la peau, aussi, c’est important. C’est ce qui donne un sens aux choses. Ce derme bouillonnant de l’intérieur, c’est comme si les veines de la personne palpitaient juste sous les doigts. C’est grisant, étrange : bouleversant.

C’est un contact effrayant, parce que, pendant la fraction de seconde où ce contact à lieu, je perds le peu de conscience que j’ai, et je ressens cet instinct animal qui me dicte ma conduite.

Ce n’est plus la « petite voix dans ma tête », non, ce sont comme des milliers de chants venus du fond des Ages, comme si un monde complet s’ouvrait à moi.

Et c’est là que démarrent tous mes écrits : d’une idiotie de contact éphémère.

Et c’est d’une façon tout aussi idiote qu’ils finissent : sans fin.

D’une certaine manière, c’est ce qu’il y avait de mieux à faire pour boucler la boucle.

Mais, j’aimerai ne pas avoir à boucler la boucle. J’aimerai pouvoir aller jusqu’au bout, écrire un texte entier. Rien qu’une fois. Une toute petite fois.

J’en suis déjà à ma deuxième page Word (j’en vois le bout !), et je sens comme le souffle du vent de la victoire dans mon dos.

Le goût de la liberté est là, et je déploie mes ailes : je vole.

C’est ainsi que je fonctionne : une vie dans le rêve plus que dans la réalité, un souvenir pour mon futur et le passé comme une prédiction qu’il conviendrait de suivre pour ne pas se perdre.

Mon cœur est en flamme et ma vie se consume, comme la votre, mais avec plus de rage, plus de regrets, et cet impétueux désir d’être moi, d’être un soldat pour une cause qui, à vos yeux, n’a pas de raison d’être. Je veux défendre jusqu’au bout toutes les places fortifiées de mon imagination, achever cette quête et trouver la clef du Donjon de mes rêves, pour retrouver le Pouvoir Suprême de créer à tout va.

C’est sans queue ni tête, totalement décousu, mais c’est quand je sens que j’effleure tout cela du bout de la plume que je me sens choir, chuter de mon nuage de pensées merveilleux et heurter brutalement la terre ferme.

Ce rappel à la réalité me tue à petit feu, et je sens que je regrette à chaque instant un peu plus de ne pas être moi aussi personnage d’un récit quelconque, avec un avenir tout tracé, une destinée bien définie et la capacité à faire abstraction totale de toutes les questions métaphysiques qui me turlupinent.

J’ai tendance à me voir comme un personnage de fiction, dont je peux vous citer quelques extraits :
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MessageSujet: Re: La recette du bonheur   La recette du bonheur Icon_minitimeMar 19 Mai - 21:54

« Jeudi 02 Octobre 2008.

Il fait frais dans les rues de Paris.

Au fond, c’est normal : avec les saisons qui se détraquent, l’automne qui approche, il aurait été stupide d’espérer que le soleil brille sur la capitale.

Un walkman sur les oreilles, un jeune garçon marche. Du bout des lèvres, il fredonne une chanson. C’est dans ses habitudes. Une sorte de manie d’adolescent, comme le disent certains adultes qui trouvent ce genre de comportement étrange.

Un plan à la main, le refrain qui rythme ses pas, le jeune passant tente de trouver sa route.

Ce qui est loin d’être chose facile : monsieur n’est pas Parisien et il est loin d’avoir le sens de l’orientation…

La preuve : plongé dans ses réflexions, il a trouvé le moyen de se prendre un abri bus de plein fouet. C’est décidé, il ne refera pas deux fois la même erreur. Il éteint son mp3 et, rangeant les écouteurs dans sa veste, pousse un profond soupir.

Sa seule raison de rester en ville : son boulot.

En fait, c’est un petit travail d’extra, qui ne promet pas grand-chose, à part peut-être une bonne soirée.

Ce Lorrain est, en fait, un auteur amateur. A seize ans, on peut comprendre la chose. Qui n’a pas rêver de la gloire, de la fortune et de la renommé ? Qui peut nier avoir voulu être un grand, au moins une fois dans sa vie ? Pas lui, en tout cas.

Will, est un adolescent qui espère encore. Il rêve toujours. Et ce soir, son rêve, c’est de faire une petite surprise à une amie.

En fait, il devait participer au concours ‘Pour Clara’, mais, s’y étant pris une semaine avant la fin, il n’a pu qu’écrire deux pages et, bien entendu, a été contraint de se résoudre au silence.

Un peu déçu, il s’était promis de trouver une solution pour rattraper son erreur et, finalement, avait trouvé un petit boulot de serveur à la réception du concours, le jeudi deux octobre.

Will avait donc loué une petite chambre de bonne dans un quartier assez éloigné et, du coup, se retrouvait perdu dans Paris, à la recherche de la mairie.

Pour un nancéen, c’est une sacrée surprise de se retrouver devant un tel monument, même quand on est un habitué de la Place Stanislas. Un peu tremblant, Le jeune garçon sait qu’il n’a pas le choix : il faut pousser la porte, et entrer…

Sous ses yeux, le monde n’est plus le même, et il en a conscience.

Déjà, il a oublié le principe de l’égalité des chances. Ce monde n’est pas le sien. Ce monde ne sera jamais le sien…

Cependant, quand on s’engage dans quelque chose, il faut toujours aller jusqu’au bout, assumer. C’est une règle du code de l’honneur. C’est comme ça.

Déjà, on lui attribue tout un planning. Sans prendre le temps de réfléchir, Will est déjà entraîné dans cet univers qui l’effraie, sans possibilité de faire demi-tour. Tant pis…



L’heure tourne.

Tout le monde court. Enfin, tous les employés.

Il faut dresser les tables, marcher droit, pas trop vite, mais dépasser Mustang, le chien de l’adjointe au Maire qui se balade entre les jambes des serveurs, visiblement curieux de découvrir la raison de l’affolement soudain de tous ces gens.



-Va dormir toi. On fait pas de mal aux boules de poil alors, flippe pas ! lance Will au pauvre animal avec un froncement de sourcils qui faisait remarquer son agacement naissant.



Bien vite, le trot des serveurs reprend et Will suit le rythme de son mieux, piégé dans cette course folle qui le trouble.

Cette soirée doit être inoubliable…



Les applaudissements crépitent.

Les lauréates sont rouges écarlates, jetées sous les feux des projecteurs par leur propre talent, sacrifiées à la foule par leurs propres mots…

Sur la pointe des pieds, Will tente désespérément d’apercevoir Lyra qui, déjà, remet un prix à la première lauréate.

Elle semble tout à fait à l’aise, dans son élément. Un talent d’écriture, une prestance qui lui garantissent un avenir.

Elle retourne s’asseoir, un grand sourire sur les lèvres. Elle est…heureuse…



-Garçon !



Vissant un masque chaleureux sur son visage, Will tourne les talons vers la femme qui l’appelle.

Grande, mince, vêtue d’une robe chic fraîchement achetée chez un grand couturier, aspergée d’un parfum sans nul doute coûteux qui donne la migraine, elle commande une coupe de champagne avant de faire signe au serveur de se retirer.



Avec plaisir, ne peut s’empêcher l’adolescent de penser, ravi de retourner vers de l’air un peu plus… respirable.

Il prend quelques autres commandes et les confie à un autre employé, chargé, lui de jouer de la musique mais victime d’une crampe.

S’installant au piano, Will inspire une bonne bouffée d’air et s’attaque à la partition qui trône sur le chevalet.

Bien vite, le monde s’efface. Cette chanson, il la connaît. Une sorte de bouée de sauvetage. Une madeleine de Proust au moment le plus inattendu.

Le tourbillon des souvenirs l’emporte au loin pendant que ses doigts parcourent les touches blanches et noires. Ses yeux regardent mais ne voient plus. Il est parti…

Un piano, c’est comme un clavier d’ordinateur : une touche correspond à une lettre dans un code bien précis, qu’il vous parle ou non. Une partition, c’est une histoire, au même titre qu’un roman dont les lettres apparaissent, comme par enchantement, sur un écran. Les notes, elles, restent sur le cœur, contant une histoire différente à chacun.

D’une certaine manière, c’est ça, son Prix Clara. Des mots dans une autre langue. Des notes dans un roman. Quelque chose de transparent et pourtant. Pourtant…

Une voix. Lointaine. Celle du prof de math ? Non. Celle d’un inconnu. Un inconnu ?

Les doigts quittent les touches quand une main ferme raffermit sa prise sur l’épaule du pianiste de remplacement.

Le ‘maître de cérémonie’…

Tiré par le col, Will est bien obligé de suivre le mouvement. De toute façon, il n’était pas sûr de retrouver la sortie tout seul alors, n’est-ce pas mieux ainsi ?



-DEHORS !!!



Il pleut. Pas le temps de se plonger plus longtemps dans ses pensées : sa veste vient de lui atterrir en plein visage.

Une chose est sûre : cette soirée sera inoubliable. En plus, au premier pas qu’il fait, Will se retrouve dans la plus grande flaque d’eau du périmètre.

Soupirant, le jeune homme retire le haut de son costume : pourquoi le porter plus longtemps ?

Mustang, qui est attaché sous le porche aboie en l’apercevant.



-J’t’avais pas menti… C’est aux serveurs qu’on veut du mal ici.



Reprenant sa route, l’adolescent trempé entend un cri : c’est elle.



-Part pas ! Will !!



Stoppant ses pas, l’intéressé se retourne.



-Dis, tu vas pas abandonner comme ça non ? Tu vas pas partir sans rien faire ? Tu peux pas faire ça !!

-Si. Je le peux.

-Mais, si t’écris pas, qui le fera à ta place ?



* * *
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MessageSujet: Re: La recette du bonheur   La recette du bonheur Icon_minitimeMar 19 Mai - 21:58

Mais, si t’écris pas, qui le fera à ta place ?

Une phrase qui se perd dans la pluie, encore une fois.

Jonathan Finch fronce les sourcils, comme avant. Les années ont passés, l’eau a coulée sous les ponts. D’ailleurs, c’est là qu’il se trouve : sous un pont. Sur les quais de la Seine, pour dire vrai. Nouvelle source d’inspiration ? Non. Refuge contre les hommes, plutôt.

L’homme, assit à même le sol glacé cherche la petite bête, traque LA faute qui pourrait lui faire perdre son emploi. Devenu scribouillard pour un torchon parisien, il sait que son salaire tient à peu de chose. Déjà qu’il est si léger…

Et la nuit qui tombe. Un soupir, encore un. Oui, la vie n’est qu’un enchaînement de déception.

La lumière s’estompe, laissant à Finch un doute : le papier est-il lisible ?

Une seule solution pour le savoir ; se poster sous un réverbère et tenter de déchiffrer l’écriture fine et serrée du journaliste.

Perdu dans la lecture du texte, il n’entend pas. Il n’entend plus. Pourtant, des claquements de semelles sur le pavé résonnent.

L’homme raye une phrase d’un grand trait de stylo. Il n’est pas satisfait.

Tout à coup, il se retrouve debout. Vague impression de déjà vu…

Il a à peine le temps de préparer sa garde que sa mâchoire se prend un bel uppercut.

Son article s’envole, les pages blanches voguent dans le ciel pluvieux avant de se poser délicatement dans la Seine, des rivières d’encre se traçant sur leur dos au contact de l’eau.

Adieu cher salaire…





Une femme, seule.

D’un pas pressé, elle traverse les rues parisiennes.

Bien cachée sous son parapluie, une écharpe autour du cou, elle avance, frileuse.

Née dans le Sud, où elle a grandit, la pluie reste pour elle un inconvénient de la vie dans le Nord. Quelque chose de… différent.

Depuis qu’elle travaille ici, elle a peu de temps pour elle. Il faut éplucher les manuscrits, courir à la recherche de nouveaux auteurs, parcourir la Ville pour tel ou tel rendez-vous… Mais, pour elle, aucun regret. Jamais.

Cette vie lui plaît, avec ce petit goût de liberté, de légèreté que les mots offrent au monde, aux âmes. Elle se sent… loin de tous ces codes de la société.

C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle doit être la seule promeneuse, en cette nuit de septembre, à profiter des bords de la Seine, si calmes, si paisibles.

Enfin, d’habitude. Deux hommes se battent. L’un semble avoir le dessus sur l’autre mais, bien vite, les rôles s’inversent.

Incapable de faire quoique ce soit d’autre, elle se met à courir vers les deux chiffonniers.

Deux inconnus : un SDF et un homme qui ne semble pas en meilleur état.

Et cette sensation… Ce sentiment que… que ce ne sont pas des inconnus… Ce regard sombre, le stylo, tombé sur le sol,…



-Will !



L’homme se retourne, maintenant son adversaire plaqué au sol. Il semble aussi surpris qu’elle.



-Je…



Un sourire.

Le premier depuis bien longtemps.

Une main tendue.



-Tu vas pas rester là quand même ?



Il ramasse ses affaires : un carnet, quelques feuilles en vrac et le stylo.



-Qu’est-ce que tu faisais ?

-Petite querelle de voisinage, rien de bien méchant.



Elle ne répond rien. Il a l’œil droit bien amoché, mais cela n’a pas l’air de le déranger outre mesure…



-Alors, qu’est-ce que tu deviens ?

-Et bien, je me suis tourné vers l’édition, comme je pensais le faire. Et toi ?

-Journalisme…

-Tu voyages ?



Il marque une pause. Elle se retourne.



-Franchement, est-ce que j’ai l’air de voyager ?

-Pas vraiment…

-Alors ! Faut arrêter de rêver tu sais. Même si ça peut faire du bien, se bercer dans des illusions, c’est parfois une belle bourde.

-T’en as des idées !! J’suis pas d’accord avec toi. A t’écouter, on vit dans un monde de pourris…

-C’est pas faux.

-Will !

-Je ne m’appelle pas Will. C’était un surnom de gamin.

-Ca te va bien pourtant….Finch, c’est bien ça qui est écrit sur ton calepin ?

-Ouais. Jonathan Finch. Pas très brillant mais, faut faire avec.

-Tu crois que Lyra c’était mieux ? On avait tous des pseudos !

-Vu comme ça…

-Tu voudrais le voir comment ?



Il hausse les épaules.

-J’sais pas…

-Attends !



Ils arrivent près d’un café.



-Ca te dis de prendre un p’tit truc ? Comme ça, on pourra discuter !

-J’imagine que c’est une petite réunion du ‘gang des vieillards’…

-Will !!

-Lyra !! T’as vu, moi aussi, je sais le faire !



Fou rire partagé.



-T’es toujours un gamin.

-Et toi alors ? Qu’est ce que je suis censé te dire ?

-Que tu es d’accord de bosser avec moi, que tu m’écriras des tas de romans à publier et que tu accepteras de ne plus quitter ta plume avant d’être connu !

-En gros, tu veux me forcer à écrire jusqu’à la fin de mes jours ?

-Non. Juste deux ans. Après, tu te prendras au jeu, j’en suis sûre.

-Jamais.

-C’est pas l’imagination qui te manque d’ordinaire.

-Ca fait huit ans qu’on s’est pas revu. J’ai changé.

-Et moi, je te dis que tu es toujours le même homme !

-Et moi je te dis que rien ne sera jamais comme avant !!!!



La chaise fait un bond en arrière et la jeune éditrice reste scotchée.



-On était ados. La vie était belle, on s’amusait bien. J’ai vingt-quatre ans ! Pas quinze ! C’est fini pour moi les beaux espoirs de contes de fées ! D’ailleurs, j’ai jamais aimé les contes de fées ! Je ne suis pas un auteur. Et je ne le serai jamais ! JAMAIS !!



Il reprend son souffle, comme si le fait d’avoir craché son venin sur cette femme qui avait réussi sa vie pouvait le soulager.



-Excuse-moi.

-De quoi ? De pas te prendre au sérieux ? De pas relire tes chapitres ?



Il releva la tête : elle feuilletait le cahier, parcourant les pages pendant qu’elle parlait.



-C’est toujours la même plume, si tu veux mon avis. En huit ans, t’as toujours la même patte.

-Et alors ? C’est pas ça qui fera avancer le schmilblick.

-Jonathan… Assieds-toi.



L’homme se contenta d’obéir, un peu las de se répéter.



-Je te prends à l’essai.

-Quoi ?

-J’ai besoin d’auteurs pour ma maison d’édition. Je préférerai que tu travailles chez moi plutôt que chez des inconnus. C’est préférable et pour toi, et pour moi. Ca te garantie une liberté d’expression et, moi, de pas te laisser filer chez les concurrents. Tu veux bien ?

-Et je fais quoi ? Un abrégé sur Cendrillon ? Une pâle copie de la Guerre des Etoiles ? Un remake foireux de A la Croisée des Mondes ? Faudrait déjà avoir des idées pour écrire.

-T’en avais avant…

-Comme tu le dis. Avant.

-Me fais pas croire que tu as tout oublié ! Tu pouvais écrire des fics en surnombre, des romans, des nouvelles, faire des rpg, et, maintenant, tu vas me dire bien gentiment que tout est parti dans la nature ?

-C’est pas ça…

-Alors, tu vas venir avec moi, tu vas accepter ce contrat et tu vas replonger dans ton adolescence pour redevenir le Scribouillard que tu étais. Tu peux repasser sur le forum, pour commencer. Ca te fera peut-être réfléchir ?



Un silence.



-Tu sais quoi ? T’es toujours la même. J’aurais pas le droit de bouger tant que j’aurais pas dis oui, c’est bien ça ton plan ?

-Oui.



Il soupira en secouant la tête.



-Okay, mais pour deux semaines.



Il appose sa signature sur la dernière page d’un dossier que la jeune femme vient de sortir de son sac.



-Deux semaines ? J’appelle pas ça un contrat moi !!!

-Tu veux quand même pas me garder quid eternam. En deux semaines, si ton opération ‘Sauvez Willy’ a fonctionné, je resterai de moi même, non ?



La jeune femme lui fait un petit sourire : elle sait qu’elle gagne du terrain.





* * *



-Alors c’est ça, ton « chez-toi » ?

-Oui, c’est ça. Tu t’imaginais quoi ?

-Rien…



La jeune femme posa sa veste dans l’entrée … »
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MessageSujet: Re: La recette du bonheur   La recette du bonheur Icon_minitimeMar 19 Mai - 21:59

C’est ici que tout s’arrête pour Jonathan Finch : j’étais à court d’idée.

C’était pourtant super bien parti. Mais ça n’a jamais abouti.

Je crois que c’est le meilleur exemple de texte que j’avais, le reste est un peu flou, mais, niveau étrange, j’ai l’histoire d’une secrétaire (version et version 2) :



Version 1 :



« Chroniques d’un secrétaire travesti

______
*___*


*



Chroniques : Recueil de faits historiques rédigé selon l'ordre de leur succession.
Article de journal commentant les faits d'actualité.




Secrétaire : Personne dont l'emploi consiste à écrire sous la dictée de quelqu'un, à s'occuper de la correspondance, des communications téléphoniques, etc.
Titre de certains fonctionnaires:
secrétaire d'ambassade.
Personne qui rédige les procès-verbaux d'une assemblée.




Travesti : Personne qui porte les vêtements du sexe opposé.





Après avoir défini clairement les termes employés dans le titre, je doute fortement qu’un résumé soit nécessaire. Je n’ai donc absolument pas besoin de vous dire que l’héroïne est un homme (et non pas une drogue, quoique, nous puissions, dans cet ouvrage, la rencontrer sous ces deux formes, mais nous nous contenterons de celle qui nous intéresse, ce qui, pour une majorité, représente l’héroïne homme, à moins que vous ne soyez toxico, bien entendu.), ayant une fâcheuse tendance à se vêtir de fabuleuses robes hors de prix, ayant un emploi de secrétaire dans une firme très connue dont le PDG est une femme (non pas travestie, elle).

En conclusion, je n’ai pas besoin de vous raconter ce que je vais vous raconter avant de vous l’avoir raconté. Ce qui n’est pas un mal, croyez moi.



Sachez que je dédicace ce pur chef-d’œuvre de mon cru à tous les membres de Plumes-en-Vol (qu’ils soient hommes, femmes ou hermaphrodites), et plus particulièrement à Lyra, Calie, Célia et PF, tous pour des raisons différentes mais tout à fait valables.

Je fais d’ailleurs, avant de l’oublier, une mention spéciale au futur époux de Lyra, car c’est grâce à lui que mon petit penchant pour l’ambiguïté s’est révélé au grand jour.

N’oublions pas de remercier le créateur du smiley qui pleure, sans qui je n’aurais sans doute pas encore affirmé ma passion pour les gratte-éponges Spontex, et donc, n’aurait jamais eu l’idée de cette nouvelle assez délirante dans laquelle on peut apprendre un certain nombre de choses plus ou moins véridiques sur votre serviteur.
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MessageSujet: Re: La recette du bonheur   La recette du bonheur Icon_minitimeMar 19 Mai - 22:00

______

*___*

*


Un an que s’en est fini du lycée.

« Viva libertad !! » est mon nouveau cri de guerre. J’ai définitivement abandonné l’idée de devenir professeur. Ce métier ne me convient pas. Je donne ma préférence à quelque chose de plus…libertin.

Je suis secrétaire du PDG d’une grande entreprise, la personne chargée de courir dans tout les sens dès que l’on claque des doigts, celle qui a le devoir d’être incroyablement idiote, sexy et naïve. Disons que…j’ai encore des progrès à faire.

Pourtant, je réponds parfaitement aux critères de l’emploi : grande, mince, des formes généreuses, une longue chevelure d’un blond platine, maquillage irréprochable à tenue longue durée (comme dans la pub « Je mets Maybe line »), une cambrure parfaite et un teint légèrement hâlé grâce à l’autobronzant « Mon oï »…

Mon ancien patron est parti vendredi. Il me semblait un peu jeune pour la retraite mais je n’ai jamais vraiment eu le coup d’œil. Et puis, il faut ajouter à ma décharge qu’il était vraiment bel homme. Donc, aujourd’hui, je vais découvrir avec qui je travaille. Monsieur Dumand m’a prévenu que je devrais être aux anges…

Comme c’est le premier jour, mon devoir est de faire bonne impression !

Qu’est-ce que je vais bien pouvoir me mettre… le tailleur saumon, ou le vert d’eau ? Hum…. Tout compte fait, ce sera l’ensemble turquoise. Les cheveux relevés ou lâchés ? Ou pourquoi pas légèrement bouclés ? Vite, le fer à friser, où ai-je encore bien pu le ranger ? Et mon maquillage ? Oh lala, je vais finir par être en retard !! Ah, la voilà ! Ma splendide valisette de produits Yvette Rocher. De quoi rendre la sérénité à n’importe quelle femme… Un peu de blush pour le teint, de l’anti-cerne, de l’ombre à paupière, un peu d’eyeliner, une pointe de mascara, une touche de crayon à lèvres, du gloss et le tour est joué. Je suis officiellement prête.

Un peu long et délicat, mais le résultat est…troublant. (Ce qui, dans notre cas, signifie aussi, satisfaisant, ravissant, épatant, bouche béant, …)

C’est ainsi que, ce matin, je me dirige dans ma petite Clio rouge cerise, assortie à mon tailleur du mardi, à mon travail, prête à accueillir comme il se doit notre nouveau PDG.

Je gare donc ma voiture sur ma jolie petite place de parking, traverse l’allée et m’arrête devant la porte du bâtiment, attendant avec patience l’arrivée du nouvel arrivant.

Dans mon sac à main, Bouclette, le caniche de Sylvie, la fille de la compta’, croque gentiment le biscuit que je viens de lui donner. Je l’ai gardé tout le week-end pendant que Sylvie était au ski avec son mec… On s’est regardé Titanic plus de cinq fois et il n’a pas pleuré une fois. Ce chien est vraiment un monstre !

Un moteur de fait entendre : une petite Clio vert pomme débarque (mon tailleur du jeudi !!) et se gare juste à côté de la mienne. En descend un petit bout de femme, haut comme trois pommes, justement, vêtu d’une tunique noire sur un pantalon à pince de la même couleur, parcourant à grands pas la distance qui nous sépare, un gros classeur bien calé entre les bras.

Elle passe devant moi sans y faire attention. Peut-être aurais-je dû prendre un air un peu plus aguicheur. A moins que ce ne soit mes yeux exorbités et ma bouche grande ouverte qui ne m’aient rendue invisible. Une patronne. Je vais avoir une patronne…

Vite, une bouteille d’oxygène ! La couche d’ozone vient de foutre le camp ! L’atmosphère s’échappe ! Sauvez-moi !!

J’ai grand peine à reprendre mon calme et, quand cela est fait, je rejoins la nouvelle au pied de l’ascenseur. Oh la garce ! Elle a les nouveaux talons aiguilles Di Or ! Ceux qui font l’exclu aux soldes !! C’est décidé, je déteste ma vie !!

Je prend quand même la peine de lui parler, à cette sale petite bourgeoise qui a, elle, le temps de courir les magasins de fringues.



-Bonjour madame. Vous êtes notre nouveau PDG ? Je me présente, Nathane Finch, je suis votre secrétaire. Si vous avez besoin de quelque chose…

-Bonjour !! Enchantée de faire votre connaissance. Je m’appelle Joëlle Vinçart.



Et c’est ainsi que tout a commencé, le jour où Joëlle Vinçart est devenue PDG et moi…son secrétaire. »



Version 2 :



« Je hais les lundis. Et je hais Garfield ! Ce stupide chat n’est qu’un sale copieur qui m’a volé ma deux cent soixante-huitième phrase fétiche !

Je voudrais seulement pouvoir rester sous ma couette, bien au chaud, à rêver tranquillement de vacances en Bretagne, de soleil, de grasses mat’ et photocopieuses s’envolant pour migrer vers le Sud…

Oui, dans la liste des choses que je hais, il y a les photocopieuses ! Ca vous étonne ? Ca vous étonne qu’une personne chargée de passer les trois quarts de son temps de travail à poireauter devant une imbécile de photocopieuse, en panne plus de neuf fois sur dix, se mette à détester ce type d’appareil ? Bizarre. Je vous pensais moins naïfs…

Enfin, là n’est pas le problème.

Le problème est que, depuis une bonne vingtaine de minutes, mon abruti de réveil sonne et fait trembler ma table de nuit, dans l’unique but de me donner envie d’avaler toutes mes réserves de médicaments. Rassurez-vous, je ne le ferai pas. (Je crois ne pas être bête à ce point.)

Toujours est-il que je ne veux pas me lever. Je ne veux pas et je ne peux pas.

C’est psychologique. Je sais que, si je quitte mon lit douillet, je vais devoir aller bosser. Or, aujourd’hui, j’ai encore moins envie de travailler que d’habitude.

Pourtant, je suis le modèle des employés : toujours à l’heure, jamais une seule faute professionnelle, aucune promotion douteuse, (même si des fois, j’avoue que cela pourrait être tentant…)

Ce matin, la seule chose que je voudrais faire, c’est prendre ma guitare et jouer.

Que chaque note me lave, que chaque note me fasse oublier ce que je suis. Je veux juste oublier, oublier pour exister enfin.

J’aimerai, mais c’est impossible. Alors, j’enfile un ensemble rouge cerise, avale quelques tartines en quatrième vitesse (et oui, maintenant, je suis en retard), monte dans ma petite Clio assortie à ma tenue et file au travail.

Aux stops, je refais mon maquillage : un peu de gloss, prochain arrêt : fond de teint, arrêt suivant : mascara, …et ainsi de suite jusqu’à destination.

J’avoue, la technique n’est pas très intelligente, mais c’est efficace : quand je me gare sur le parking : je suis tout pile à l’heure.

Je descend nonchalamment de mon véhicule, salue les quelques collègues que j’aperçois et cours m’installer à mon bureau. Mes talons claquent sur le parquet stratifié du couloir tandis que je traverse le sixième étage.

Je m’assois tranquillement à ma place quand je vois : Oh horreur suprême ! Une peluche de Garfield sur mon clavier. Manquant de m’évanouir, je propulse l’ignoble animal à l’autre bout de la pièce (oui, je le reconnais, j’ai de la force. Et une aversion certaine à cette satanée bestiole).

Kévin de la compta’ est mort de rire. Il semblerait qu’il soit l’auteur de ce sabotage.

En temps normal, j’en aurais peut-être ris, mais je suis plus que sur les nerfs. Résultat, je me penche sur les rapports du service comptabilité, attrape délicatement celui de Kévin, le feuillette, acquiesce à certains passages puis, un grand sourire aux lèvres : le passe à la broyeuse, devant les regards médusés de mes collaborateurs.

Et oui, moi aussi, je peux être méchante ! »
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MessageSujet: Re: La recette du bonheur   La recette du bonheur Icon_minitimeMar 19 Mai - 22:01

Voili voilou.

C’est un peu tout et n’importe quoi, comme vous l’aurez remarqué.

Alors, maintenant, je vais vous filer un dernier extrait de mon prodigieux talent (hum hum)



« Je crois que, pour bien commencer, je devrais me présenter, alors, allons-y gaiement.

Je m’appelle Nathan, mais je préfère Nat’ (petit caprice qui a le don d’exaspérer mes parents, enfin, surtout ma mère, qui s’entête à m’expliquer qu’elle a passé huit longs mois à chercher ce prénom et que, rien que pour ça, je devrais avoir le respect de ne pas le raccourcir à tout bout de champ).

Techniquement, je suis censé être un adolescent.

De manière pratique, je me donnerai volontiers quelques années de plus. Et ce n’est pas à cause du physique, loin de là.

En fait, je suis même très loin du corps de rêve des mannequins pour adolescents ou des adolescents tout court. Je dirai même que je suis plutôt quelconque avec mon mètre soixante six, mes cheveux châtains clairs tirants sur le blond cendré, mes yeux sombres dont la couleur oscille entre le bleu et le gris, et mon teint blafard, qui me donnent des airs de zombies, pire que dans les films d’horreur.

Non. Si je dis que je me donnerai volontiers quelques années de plus, c’est à cause du mental. J’ai un mental de vieux croulant et, en prime, quand je marche, c’est sur dix mètres, guère plus, uniquement pour traîner les pieds sur cette courte distance, comme un vieil homme de cent cinquante-huit ans. Alors qu’en réalité, je n’en ai que quinze. Et que je n’atteindrai jamais cent cinquante-huit ans. Pas plus que je ne verrai un jour mes dix-sept. Car je vais mourir.

Pas mal comme accroche, hein ? Et bien, désolé de vous décevoir, mais ce n’est pas une accroche. Ni un effet de style. Ce n’est que la simple vérité.

Je vais mourir. Je peux gagner un an, tout au plus, mais au fond, tout le monde sait que je n’en ai plus que pour six mois. Six malheureux mois. Et après, plus rien.

Enfin, soyons un peu optimiste ! Mon dossier restera dans les archives de cet hôpital. N’est-ce pas merveilleux ? Peut-être que, dans dix ans, un jeune médecin devra lire la totalité de mon dossier pour soigner un de ses patients. Ainsi, je ne tomberai pas dans l’oubli… Fabuleux, non, dans un monde où tant de jeunes aspirent à une reconnaissance moindre ? La mienne sera post-mortem, mais elle n’en reste pas moins enviable !

Vous me trouver ironique ? Peut-être que je le suis devenu, avec les années… Oui, peut-être que je le suis devenu, faute de pouvoir rester un enfant. Mais, en fin de compte, qu’est-ce que cela peut bien vous faire, à vous ? Vous tirer un petit sourire compatissant ? Vous faire verser une larme ? Dans les deux cas, stoppez moi ça immédiatement ! Ce n’est pas là ce que je souhaite, ni ce que je vous demande. J’ai quinze ans. Pas cinq.

Vous vous demandez ce que j’ai ? Et bien, j’ai une dégénérescence cellulaire. Pas un cancer, non. Il existe d’autre type de maladie encore plus ‘classe’. On appelle ça des maladies orphelines. Vous vous rappelez, du Téléthon ? Eh bien, j’appartiens à cette catégorie de la population. Ceux pour qui on ne peut rien faire. Ceux à qui on ne pense qu’une fois par an, grâce au grand coup de pub des médias et à la bonne conscience que l’on aime se donner, avant les fêtes de Noël. Oui, je suis un oublié. Un habitué des blouses blanches. Un ‘pauvre gosse’, comme les adultes savent si bien le dire. Oui, je suis tout cela.

Et en même temps, je ne suis rien. Je ne suis rien de plus qu’un enfant pour mes parents, rien de plus qu’un malade aux yeux du personnel de l’hôpital, rien de plus que l’occupant de la chambre 112, au troisième étage de l’immense bâtiment blanc et bleu de la rue St Antonin pour le reste du monde. Donc, en résumé, je ne suis rien.

Bon, comme je ne suis pas là pour vous déprimez, tentons de voir les choses sous un autre angle. Je suis un adolescent de quinze ans qui se nomme Nathan, ce qui est un fort joli prénom (voilà, avec un peu d’hypocrisie, ça passe tout de suite mieux. Désolé Maman.), et qui, en plus d’être relativement réaliste, a un goût prononcé pour les jeux vidéos, le foot et les dessins animés. Là. C’est déjà mieux, non ?

Vous ne trouvez pas… D’accord. Je vais être franc : je ne peux pas faire mieux. Je n’aime pas l’hypocrisie, que je préfère utiliser comme moyen de faire comprendre aux gens qu’ils m’agacent. Une sorte de ‘cause toujours’, si vous voyez où je veux en venir.

Voilà ma vie. Vous savez qui je suis et, approximativement, comment je pense. On peut donc passer aux choses sérieuses.

Aujourd’hui, il fait beau. Enfin, dehors, il fait beau.

Ca fait deux mois que je n’ai pas quitter ma chambre. Avant, j’allais bien. Je ne passais ici qu’une fois par semaine mais, ces temps-ci, je suis à moitié mort. Ou, à moitié mourant, si vous préférez.

Je me retrouve donc à passer mes journées dans une pièce blanche et impersonnelle que les médecins osent appeler une chambre, alors qu’il n’y a rien d’intéressant, pas même un petit coin de bazar, pour prouver que c’est habité.

En gros, si je désertai, ils pourraient redonner les lieux à quelqu’un sans attendre. Au moins, le nouvel arrivant y trouverait de quoi se divertir (un mp3 et quelques cahiers de bouillons avec un tas d’âneries écrites dessus). Et puis, il aurait aussi Sophie.

Sophie, c’est l’infirmière. Mon infirmière. Elle est belle, douce et très agréable. Un véritable rayon de Soleil, quoi. Ca fait trois ans qu’elle travaille ici, Sophie. Trois ans que je la connais.

Trois ans que je ne rêve que d’elle, de ses yeux si beaux, de la douceur de ses mains quand elle change ma perf, de ses sourires quand elle vient me voir, des reflets ambrés qui se fondent dans ses longs cheveux miel, de sa bouche sur la mienne… Oui, j’avoue, je rêve. Bien plus que je ne le devrais.

Mais je ne peux pas m’en empêcher. Elle est si… si parfaite. Des fois, elle me donne même envie de vivre. Envie de me battre. Ah, espoir cruel ! (C’est bien là que je devais le placer, non ?)

Sophie… Dans mes cahiers, il y en a un où, peut importe la page sur laquelle vous tombez, vous trouvez son nom écrit. Calligraphié, parfois. De toutes les tailles. De toutes les couleurs. En gras, en italique, en script et en attaché. De toutes les manières possibles et imaginables pour un adolescent dont les occupations se résument à s’abrutir devant la télé, lire et divaguer sur des histoires d’amour qui n’auront jamais lieu d’être…

Enfin… déjà petit, j’étais comme ça. Quand je dis petit, c’est du temps où je croyais bêtement les médecins, du temps où je pensais que les adultes avaient plus raison que les enfants… Depuis, j’ai changé d’avis sur pas mal de choses…

Par exemple, quand j’étais plus jeune (je devais avoir douze ans) et que je croyais que j’allais m’en sortir, je me demandais tout le temps : et quand je serai guéris, est-ce que je reverrais Sophie ?

Comme je n’arrivais pas à être sûr, je m’étais juré que, une fois sorti de l’hôpital, je filerai jouer dans le jardin, derrière chez mes parents, que je monterai sur le grand Chêne et que, une fois tout en haut, je me laisserai tomber en bas, histoire de me casser un bras et de retourner voir mon infirmière à moi, ma Sophie.

Fort heureusement pour moi, je n’ai pas eu à le faire, ayant l’incroyable chance de rester dans la chambre 112, à l’étage de ma belle.

Enfin, là, je m’emballe un peu trop vite…

Avant, quand je me lançais dans de tels délires, je me tournais vers Joachim, et il me fichait un grand coup d’oreiller, de telle sorte que je finissais par me taire, et reprenais mes esprits.

Avec Joa, on jouait au foot aussi.

Partout. Dans les chambres, dans les couloirs, dans les jambes des médecins,… mais, surtout, à n’importe quelle heure. Je me souviens qu’on avait des maillots trois fois trop longs, qui nous tombaient joyeusement jusqu’aux genoux. Lui le jaune, et moi le rouge. Et puis, quand on était encore plus jeune (et que les maillots nous arrivaient aux chevilles), on regardait les dessins animés, dans la même chambre, sur le même lit parfois, avec un petit gars qui s’appelait Benjamin.

Mais, avec notre ‘sale manie’ de raccourcir tous les prénoms de plus de deux syllabes, c’était devenu Benji.

Ah… ce bon vieux Benji… avec lui, on commentait tous les cartoons qui passaient, des plus anciens aux nouveautés, en passant par les pires navets. Mais ça nous plaisait.

Et puis, Benji est parti… On avait huit ans avec Joa.

On a continué à regarder les dessins animés et à les critiquer, en mémoire de Benjamin.

Parfois, on laissait volontairement de gros blancs, en espérant trouver ce qu’il aurait dit mais… on n’y arrivait pas. C’est devenu notre instant de silence, pour penser à lui.

A douze ans, c’est Joachim qui nous a quitté. Enfin… qui m’a quitté.

Alors, j’ai arrêté le foot. J’ai rangé les maillots et le ballon dans mon armoire, et j’ai continué les dessins animés.

C’était les deux seules personnes à qui je parlais. J’ai donc opté pour le silence. Et, pour meubler ce silence, je me suis mis à lire. De jour comme de nuit. De toute façon, je ne dormais plus.

Et puis, quelques mois plus tard, c’est Sophie qui a fait son entrée dans ma vie. Plutôt fracassante comme entrée d’ailleurs, quand on y pense… »
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MessageSujet: Re: La recette du bonheur   La recette du bonheur Icon_minitimeMar 19 Mai - 22:02

Maintenant que vous avez lu tous (ou presque tous) mes chef-d’œuvres (permettez que je me racle outrageusement la gorge), je vous fait part de ma génialissime découverte : participer au Pour Clara serait la pire stupidité que je puisse faire (la lecture de ce ramassis d’inepties vous faisant perdre un temps précieux) mais, puisse que je l’ai promis, je vais vous envoyer ce joli paquet de mots en vrac, et, comme ça, vous ne pourrez pas dire que le taux d’absentéisme chez les jeunes auteurs est trop frappant (ou alors, ce sera pas de ma faute !) .



Ainsi donc, je serai l’un des auteurs que vous serez contraint de lire et, comme je suis sadique, sachez que cela me procure un très agréable plaisir.



Salutations distinguées,



Moi
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MessageSujet: Re: La recette du bonheur   La recette du bonheur Icon_minitime

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