Chapitre 2 : Lorsqu’on a plus rien à perdre.
Parfois les hommes sont si cruels, que je comprends pourquoi l’amour fait si peur.
Sonia se tenait un peu trop près du bord de la falaise. Beaucoup trop près même. Mais elle s’en fichait : elle appréciait le gouffre sous elle. Le vide, l’air, puis la mer en colère. Elle avait ouvert en grands ses bras, comme prête à s’envoler. Elle sentait avec bonheur le vent se faufiler avec force dans ses cheveux. Sonia souriait béatement en admirant le ciel d’un gris sombre. Ici, elle se sentait libre. Libre et entière. Elle ferma les yeux pour mieux écouter les chuchotements de l’air. Mieux apprécier l’odeur marine de l’océan.
Il y eut soudain une éclaircie, un brusque retour de la lumière derrière ses paupières qui s’ouvrirent presque instantanément. Un rayon de soleil apparut sur les vagues déchaînées, tel un projecteur braqué sur une danseuse.
Sonia se retourna vivement : elle avait cru entendre des pas derrière elle. Elle scruta la lande de ses yeux noisettes, en vain : il n’y avait personne. Elle se replaça face à l’océan, pour reprendre sa contemplation du ballet des vagues. Sentant agréablement la course du vent autour d’elle.
C’est alors qu’une voix douce lui murmura à l’oreille, presque tendrement. Sonia ne s’en étonna pas : bien qu’elle n’en ai jamais parlée à personne, il lui arrivait parfois d’entendre des gens lui chuchoter des choses. Des gens qu’elle ne voyait pas. Des gens qu’elle ne connaissait pas. A chaque fois, ces voix l’aidaient, d’une manière ou d’une autre : par un conseil, ou par un mot de réconfort. « Ton monde a besoin de toi. Susurra une voix féminine que Sonia commençait à reconnaître, observe le sol, Sonia, le sable, pas l’eau. »
Sonia cligna plusieurs fois des yeux avant de s’exécuter, curieuse. Elle balaya la plage sous elle du regard, jusqu’à ce que celui-ci accroche à un détail. C’était loin, de forme longue comme… quelqu’un ! Ce n’était pas vraiment un temps à se dorer au soleil ! Son cœur s’accéléra : se pourrait-il que quelqu’un se soit noyé ?
Elle se pressa de descendre les escaliers dont les marches, taillées à même la roche, irrégulières lui faisait risquer de perdre l’équilibre.
Elle arriva néanmoins dans encombre sur la plage. Sonia accéléra, s’inquiétant de ce qu’elle allait trouver : un tronc ou un corps ?
Elle arriva plus vite que prévu : l’adrénaline avait dû la faire gagner en rapidité.
- Et merde ! Jura t-elle en découvrant une jeune fille inconsciente.
Elle s’agenouilla sur le sable, tremblante, tout en cherchant le pouls de l’inconnue qui ne réagissait pas à ses appels.
X X X
Megan laissait libre cours à son chagrin. Enfin elle pouvait craquer en paix ! Ses larmes se mêlaient à la pluie sur ses joues. Mais elle ne tenta pas de les sécher, encore moins de les retenir. Elle en était incapable. Elle fixait le ciel nuageux, sans le voir vraiment. Seules la roche granuleuse et les notes douces que jouaient les gouttes en tombant dans l’étang l’empêchaient de sombrer entièrement dans ses pensées.
Il était partit. Il l’avait abandonnée. Celui pour qui elle aurait tout fait, tout donné. Il avait préféré une autre fille. Une petite blonde des quartiers chics. Pourtant, cela faisait presque six mois qu’ils étaient ensemble. Elle se demandait inlassablement si pendant les dernières semaines avant son départ il l’avait mise à l’épreuve, la comparant avec cette autre fille. Si c’était le cas, elle avait perdu. Elle n’avait pas réussie à le convaincre : elle l’avait perdu.
Elle se sentait faible, vidée, morte de l’intérieur. Elle avait tellement espéré en Lui. Elle lui avait fait tellement confiance… Comment avait-Il pu lui faire ça ? Alors qu’elle l’aimait autant… Et que Lui disaient ses sentiments réciproques !
Megan était trahie, perdue et seule. Surtout seule. Effroyablement seule.
Une petite lumière s’alluma au fond de son esprit : elle savait à qui s’adresser ! Qui l’aiderai à surmonter cette épreuve. Elle alluma son portable, ignorant les messages débordants de compassion et de pitié de ses amis. Elle n’écrit que trois lettres : « S.O.S ». Avant de l’envoyer à son meilleur ami. Maël saurait où la trouvait : ils se connaissaient par coeur depuis toujours.
Mais en attendant elle était toujours aussi seule. Ses souvenirs la harcelant sans cesse. Plus jamais elle n’aurait tout ça : l’entendre dire qu’Il l’aime, ses baisers, ses caresses, son sourire… C’était finit. Tant mieux pour lui, tant pis pour elle ! Pensa t-elle amèrement. En la quittant, il avait dû se débarrasser d’un poids…
Des sanglots la secouèrent. Dès qu’elle les croyait finis, d’autres venaient la trouver.
Mais quand Maël arriverait-il ? Depuis combien de temps était-elle là ? Une minute, une heure ? Elle ne savait plus, plus du tout. Tout glissait sur elle.
Au prix d’un énorme effort, elle roula sur elle-même pour regarder son reflet dans l’eau. Le rocher sur lequel elle était affleurait la surface de l’eau, lisse et calme.
Elle observa ses jolies boucles noires d’un oeil critique, son visage rond à la peau métissée qu’elle tenait de ses origines mexicaines, son nez arrondis, ses pommettes, puis ses yeux, d’un bleu d’encre, rougis et gonflés par la tristesse.
Elle comprenait pourquoi Il ne l’avait pas choisit. Megan brisa le miroir d’eau d’un geste rageur. Déséquilibrée, elle s’enfonça dans le lac avec un faible cri.
X X X
Lorsqu’enfin Sonia sentit avec soulagement un battement de cœur, elle sortit son portable…
X X X
L’eau était plus profonde qu’elle ne l’aurait cru. Megan tenta de remonter à la surface avant d’abandonner. Non, elle ne voulait pas. Elle ne voulait pas retourner dans cette réalité dérangeante. Elle préférait rester ici, dans la sécurité du liquide protecteur. A jamais.
Sa bouche s’ouvrit toute seule. Megan aspira une longue gorgée d’eau sans plus lutter.
La dernière chose qu’elle entendit fut le battement de son cœur.
Mais justement, elle ne voulait plus les entendre.
X X X
Sonia repoussa une boucle du visage de la noyée. Elle enleva sa veste pour la couvrir : celle-ci n’avait qu’un t-shirt, et sa peau semblait gelée.
Elle observa ensuite la mer, priant pour que les sauveteurs ne tardent pas.